▪︎| Chapitre 5 |▪︎

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J'aime la vie pour la beauté de ses rêves

Georges Clemenceau


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▪︎| Ses sabots noirs fendus faits de corne mousseuse. Ses pattes arrières beiges et puissantes aux os de bambou. Sa queue duveteuse d'un gris profond et son dos pelucheux parsemé de touffes cotonneuses aux teintes marrons. Ses ailes de fer aux plumes voilées d'un bleu grisâtre terminées par des serres acérées de jaune. Son ventre et son poitrail lisses couverts d'écailles de cuir verdâtre. Son museau pointu aux courbes boisées orangées. Ses crocs tranchant de polyesters blanchâtres.Ses longues oreilles à l'aspect laineux et crémeux. Ses cornes tourbillonnantes aussi dures que du papier baignée de magenta. Son regard félin au détails tâchés de peinture rouge flamme.

Cet être chimérique venant tout droit d'un monde onirique est né de matières inertes assemblées par la main de l'homme. Et pourtant, il est aussi vivant que chaque créature peuplant notre monde.

Pour avoir l'honneur de le voir se mouvoir parmi nous, je lui prête mon corps et lui donne vie. De mes jambes, je muscle ses pattes. De mes bras, je déploie ses ailes. D'une main, je scrute le monde avec ses yeux et de l'autre, je le dévore avec sa bouche. Partageant mon corps d'une manière inédite avec cette créature, nous avons réussi à cohabiter rapidement et très facilement d'une façon joliment harmonisée.

Un petit mois que j'arpente ce pays dont seulement trois toutes petites semaines que je découvre leur monde empli de folies éblouissantes, et pourtant, je suis déjà chez moi. J'apprends tellement avec eux, avec lui. Sur leur culture, leur métier et surtout, sur moi-même. D'ailleurs, c'est encore une fois Katsuki qui m'a guidé sur ce nouveau chemin qui me fascine, celui du marionnettiste et son fil vital.

Commençant d'abord avec une petite marionnette de main à l'image d'une colombe, me voilà à faire corps avec une entité imaginaire. C'est une sensation grisante à souhait. Réussir à se faire oublier alors que tous les yeux sont rivés sur toi grâce à l'énergie que tu transmets à ton alter ego. Et apparemment, je suis extrêmement doué pour ça. Bien plus que la négociation.

Enchaînant répétitions et créations toute la journée pour notre nouvelle comparse qui sèmera des éclats de rêves dans les rues, je sors du hangar lessivé. Quand ils m'ont proposé d'intégrer leur nouveau projet, j'ai d'abord cru à une fantaisie de Katsuki pour me faire plaisir, mais l'idée ne venait même pas de lui. Me voilà donc projeté dans le monde fou des pros et malgré cette intensité écrasante, je voyage tellement loin à leurs cotés que c'est sans aucune hésitation que je fonce vers cet inconnu qui me tend les bras.

Prenant une énorme bouffé d'air frais, si on peut nommer la brise du coin fraîche, je suis interrompu par la voix qui hante mes songes.

- Deku ! Attends !

Me retournant vers cet être qui illumine l'obscurité par sa simple présence, je ne peux m'empêcher de sourire bêtement à son approche.

- Ça t'dirais d'm'accompagner à une soirée salsa ? J'sais qu'tu préfères rentrer le soir pour faire acte de présence auprès d'tes parents, mais j'me disais qu'une soirée, ça peut passer non ?

Je m'empresse de répondre d'un hochement de tête frénétique. Sûrement trop enjoué au vu du rire franc qui s'élève dans l'air. Penaud, je triture mes manches avant de me rappeler l'état dans lequel je suis. Suant et taché de peinture.

- Mais je suis sale

- J'suis pt'être pas riche mais j'ai une douche tu sais ! Et puis, on va bien trouver des fringues à t'mettre. Ce s'ra d'ailleurs sûrement mieux qu'tes polos de luxe

- Quoi, ils sont bien mes polos !

- Ouais, tâchés de peinture comme maintenant, c'est cool j'avoue

Boudeur, je lui mets une pichenette sur l'épaule avant de le suivre jusqu'à chez lui. Son chez lui. Juste à lui. Stressant ridiculement concernant notre destination, je me sens un peu coupable d'avoir imaginé me retrouver dans un taudis. Car il n'en est rien. Certes l'extérieur n'est pas reluisant, à l'instar du reste de la rue d'ailleurs, mais le dedans est tout à fait cosy et reflète à merveille l'homme qui l'habite.

Vêtu à l'unisson d'un style qui ferait blêmir mes parents, je me pavane comme un andouille avec mon jean troué et mon débardeur beaucoup trop grand et transparent. Et si je laissais mon regard s'égarer sur mon homonyme,je pense que la bave s'écoulerait à flot.

Me retrouvant baigné dans une vague dansante et rythmée, je m'ébahis devant la technicité de leurs pas rapides et déhanchés. Un verre à la main, on retrouve sa bande de potes constituée principalement de membres de la compagnie. Après quelques fous rires, une main tendue s'invite près de moi. Et c'est avec le cœur tambourinant que je la saisis, fébrile.

- Je ne sais pas danser la salsa, tu sais

- T'inquiète, je gère. Suis moi c'est tout

Alors, sa main sur ma hanche et l'autre au creux de ma paume, il m'intime le mouvement sur les premières notes rythmées. Et collé ainsi à son corps brûlant, je me perds dans les méandres de mon imaginaire dicté par mon cœur en perdition.

Transpirant, le souffle court à force de tournoyer, mes yeux dévorant chaque petite étincelle formant son être, c'est toujours aveuglément que je me laisse guider au bout de la nuit. Lorsque nos deux corps se retrouvent seuls à se déhancher dans la pénombre sur une mélodie inaudible, il vient murmurer près de mon oreille, créant un agréable frisson le long de ma colonne vertébrale.

- J'te ramène

Le long des trottoirs délabrés jusqu'aux pavés blancs au carré, nos mains toujours fondues entre elles, nos pas s'harmonisent dans l'obscurité. Et lorsque l'immense structure de mon hôtel apparaît dans l'ombre, son bras vient s'enrouler autour de mes épaules, sa main retrouvant ma hanche dans une étreinte pleine de chaleur. C'est alors que sous ce ciel étoilé, nos yeux se croisent dans un aveu silencieux. Puis, tel un mirage salutaire dans un désert aride de vie, la fusion brûlante de nos lèvres éperdues de désirs.

Ai-je la permission de croire à ce rêve magnifique ? |▪︎

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▪︎ Soñar ▪︎Where stories live. Discover now