4. Au poil

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Quelle... merde ! vitupère ma voix intérieure, me réprimandant au passage. J'ai l'impression que ma cheville blessée triple de volume. Ça me lance de plus en plus et mon popotin, également, est aussi assez douloureux. Je suis incapable de bouger et je n'ose pas reprendre ma respiration de peur d'exacerber mon supplice.

— Et bien, c'est embarrassant, réussis-je à couiner en me redressant finalement sur mes coudes.

Évidemment, Nate – comme le parfait gentleman qu'il est – vient m'aider à me relever. J'ai l'impression d'être un cachalot géant échoué à ses pieds. La dernière chose dont j'ai envie, c'est d'imaginer ce qu'il doit penser de moi. Ma rencontre avec lui se transforme lentement, mais sûrement, en parfait remake de la Belle et la Bête avec une inversion des sexes. Et la conclusion finale de notre histoire sera bien différente de ce conte de fée.

— Si vous voulez m'aider à retourner à ma voiture, je vais enfin pouvoir vous ficher la paix. Et avec un peu de chance, vous m'aurez oubliée d'ici une semaine, lancé-je sur le ton de la plaisanterie ; je n'ai pas la force de le regarder.

Il soupire et je l'entends murmurer quelque chose ressemblant étrangement à « Comment oublier ? ».

Juste génial... Fantastique, même ! Si je dois laisser une marque indélébile chez un homme, ce n'est pas vraiment une de ce genre à laquelle je pensais.

— Il n'est pas question que vous repartiez dans cet état. Et vous ne pouvez pas sérieusement songer à prendre le volant. Avec un seul pied, vous n'êtes pas apte à conduire.

J'ai vingt-cinq ans et pourtant quand je l'entends me réprimander comme ça, j'ai l'impression d'être haute comme trois pommes. Je me sens honteuse comme une enfant grondée après une énorme bêtise. Je me revois durant mes années collège et lycée, avec ce corps que je jugeais et que je juge encore difforme et encombrant. Nate Calvin ne sourit pas, ne m'aide pas non plus à me sentir à l'aise. Il est autoritaire. Il a cet air hautain vissé au visage. Il est imperméable à toutes mes stupides tentatives d'humour pour détendre l'atmosphère. Il semble même être blasé par ma présence. Et pourtant, j'ai l'impression de déceler, çà et là, des petits sourires en coin. C'est en partie pour ça que je ne comprends pas sa réticence à me laisser rentrer chez moi, même si ça signifie conduire avec une entorse. Je n'ai pas franchement envie que quelqu'un me fasse sentir si... si... de trop ! Cet homme est intimidant et quand je suis intimidée, j'ai tendance à bavarder en cafouillant non-stop... Pire que ça, je deviens encore plus maladroite. C'est comme si j'avais deux pieds gauches, deux pieds gauches montés à l'envers, chaque pas se transforme en probabilité de 99,9 % de tomber dans les trois mètres suivants. Cette joute verbale m'épuise. Je suis trempée, j'ai froid, j'ai mal un peu partout, mais surtout à la cheville et je suis exténuée. Je n'ai qu'une seule envie, rentrer chez moi pour retrouver forme humaine et ne plus ressembler à un rat mouillé.

— Il va falloir retirer ces vêtements sinon, en plus d'avoir une entorse, vous attraperez une pneumonie.

J'aime cette façon qu'il a de ne pas exagérer les choses, songé-je avec sarcasme. Mais j'en ai marre de débattre avec lui, parce que j'ai enfin compris que cela ne sert strictement à rien. Comme tous les hommes, il possède cette nature paternaliste et supérieure qui exaspère les femmes de ce monde. Il m'offre son bras et me guide jusqu'à une pièce située au fond d'un des nombreux couloirs. Il s'agit d'une chambre entièrement refaite à neuf. Les meubles de couleur sombre sont d'inspiration classique, mais restent étonnement modernes. Les murs sont clairs et la décoration sobre. Le repère qui correspond exactement à l'image que je me fais du parfait Bachelor.

Perfectly Imperfect (Imperfection #1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant