Chapitre 5

369 61 63
                                    

Six mois plus tard...

Je vais vomir. Ou me liquéfier sur place, je ne sais pas encore. Une chose est sûre, mes jambes refusent de bouger. Mes mains n'ont jamais été aussi moites et je n'ai jamais autant transpiré de toute ma vie, alors même que je n'ai presque pas bougé. La boule qui pèse sur mon estomac ne cesse de grandir.

— Tout va bien ?

Je hoche la tête, alors que ma jambe tressaute toute seule dans la voiture. Je me suis tellement rongé les ongles et la peau des doigts que j'ai mal. Je n'avais pourtant jamais cédé à cette sale manie, avant.

Je me gratte distraitement l'intérieur du bras gauche. Heureusement, j'ai mis un t-shirt à manches longues afin de cacher les espèces de plaques rouges qui sont apparues il y a quelque temps. Ça me démange et, bizarrement, la douleur du frottement a quelque chose de plaisant.

— On y va ?

Je jette un coup d'œil empli d'effroi à l'assistante sociale qui m'a conduit jusqu'ici. Elle fronce les sourcils en me détaillant. Ai-je blêmi un peu plus ? Ou carrément verdi ? Je passe une main dans mes cheveux pour les aplatir, puis me ravise. Ils vont finir par graisser.

— Je suis prêt.

Je ne reconnais pas ma voix, même sans les tremblements, elle me semble beaucoup plus aiguë. Mon cœur s'emballe. Ai-je toujours eu un timbre comme ça ?

Amber sort de la voiture, mais mon corps refuse de bouger. Un muret entoure la propriété, surmonté de barreaux noirs derrière lesquels pousse une haie. L'immense portail ne laisse rien voir de ce qui se cache derrière.

La maison de Constance Jolly.

Elle a une putain de maison, dans le seizième arrondissement de Paris et son portail à double battant est plus grand que ma chambre !

Je vais vomir.

Chaque maison est précédée d'un petit jardin par lequel on accède par un portillon. Des arbres. Des feuillages. Il y a de la verdure partout, des hortensias et des glycines apportent des touches colorées ici et là. Sommes-nous réellement à Paris ? Dans ce quartier, pas d'immeuble grisâtre, pas de route défoncée, de devanture de magasin fissurée ou taguée. Je sors finalement de la voiture et jette un coup d'œil aux alentours. Pas de paparazzi. Plus loin, une voiture banalisée est garée. Je sais qu'à son bord, deux policiers en civil surveillent les alentours. Ont-ils peur que Samara débarque pour m'enlever une nouvelle fois ?

Cette pensée, aussi risible que tragique me cloue sur place. Un tic nerveux agite le coin de mes lèvres, comme un drôle de sourire, probablement un peu effrayant. Mes mains tremblent et mes yeux piquent. Cependant, je refuse de pleurer ici. J'ai décidé d'avancer dans le brouillard, j'irai donc jusqu'au bout.

— Vous resterez avec nous ?

— Bien sûr.

Amber hoche la tête et je la remercie mentalement pour sa patience. Ne lui ai-je pas déjà posé cette question une ou deux fois ? Peut-être plus. Je ne sais pas pourquoi, mais savoir que je ne serai pas seul face à ces inconnus me rassure un peu même si, techniquement, Amber est aussi une presque inconnue. Je ne la connais pas vraiment, je l'ai rencontrée une dizaine de fois, mais c'est dans le cadre de son travail, alors...

Je tire sur mes manches pour tenter de cacher mes doigts. Même en ayant choisi ma plus belle tenue, je sais que je fais tache ici. Un simple jean noir délavé, plus tout jeune, mais encore en bon état, une chemise blanche et une veste noire, que m'a prêtées Sohan, celle qu'il a portée pour le mariage de son cousin l'année dernière, ainsi que les seules chaussures de marque que je possède : des Converses rouges que j'ai trouvées dans un magasin de fringues d'occasion. Elles sont un peu abîmées et la couleur s'est amoindrie, mais elles sont ce que je possède de plus cher.

Une cuillère et demie de chocolat en poudreWhere stories live. Discover now