PROLOGUE

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Les notes de musique s'élèvent dans les airs, se mélangent au brouhaha de la gare, se perdent dans les cœurs. C'est ici que tout a commencé et, pourtant, rien ne l'indiquait. Ou peut-être que c'est ici que tout s'est arrêté, mais que je n'en avais pas encore conscience. Je dois avouer qu'à cet instant, alors que la mélodie du piano s'adoucit jusqu'à devenir mélancolique, je pense encore à l'autre. Aux bons moments, mais surtout aux pires, à ceux qui font mal et qui laissent un goût amer. À cette époque je ne connaissais qu'un amour toxique, persuadé qu'il m'avait fait vivre ma plus belle histoire, celle qui n'arrive qu'une fois dans une vie.

Les doigts de Sohan sont légers sur le clavier. Ses doigts parcourent les touches noires et blanches de façon fluide et maîtrisée. Il est concentré, dans son monde, heureux. Il ne sait pas à quel point sa musique résonne en moi, qu'elle éveille mes douleurs et mes peurs, comme s'il arrivait inconsciemment à leur donner une consistance le temps d'une chanson. La rupture est encore fraîche, douloureuse. L'incompréhension me donne des migraines.

Non, pas une rupture.

Une pause.

La chanson se termine et quelques personnes autour applaudissent, moi le premier. J'affiche un sourire lorsque Sohan lève les yeux dans ma direction, celui qui devient automatique et qui est facile à esquisser. Les quelques téléphones qui ont immortalisé le moment se détournent et les passagers se pressent pour rejoindre les quais.

— Merde, t'aurais dû me dire, Sacha, on est à la bourre !

Sohan range son vieux téléphone dans sa poche et attrape son sac à dos. Un coup d'œil à la grande horloge m'indique qu'effectivement nous n'avons pas vu le temps passer. C'est souvent comme ça lorsque Sohan joue : le temps semble se figer, alors qu'il continue de s'égrainer.

— Mais non, ça va le faire.

Je m'élance pourtant à travers la gare, conscient que ma tentative d'optimisme ne va pas nous sauver de la colère de sa mère. Nos grandes foulées se transforment en course. Autour de nous, les personnes s'écartent sur notre passage, se serrent à droite dans les escalators que nous dévalons. Quelque chose tinte de façon régulière dans le sac de Sohan et, je ne sais pas pourquoi, mais ça nous fait rire. Peut-être est-ce l'adrénaline ou nos souffles qui deviennent désordonnés, mais un fou rire me donne un point de côté. Courir m'a toujours donné une sensation de légèreté et de liberté.

— Charlie ! Charlie, attends !

Du coin de l'œil, je vois un adolescent de mon âge faire des signes dans ma direction. Lorsqu'il passe brièvement sous un rayon de soleil, ses cheveux blond vénitien s'éclairent et deviennent dorés. Ça n'a duré qu'une seconde, mais assez pour attirer mon attention. Je me reconcentre sur Sohan qui a pris deux foulées d'avance, mais l'adolescent s'élance vers moi et me saisit le bras. Coupé dans mon élan, je l'observe, hébété et haletant.

— Charlie ?

Lui-même n'a pas l'air sûr de lui. Je jette un coup d'œil en direction de Sohan qui s'est arrêté un peu plus loin et commence à faire demi-tour.

— Désolé, tu te trompes.

J'esquisse un sourire poli et rejoins mon ami. Nous reprenons aussitôt notre course en direction du métro et passons les tourniquets. On s'engouffre in extremis dans une rame et je sursaute lorsque la porte se referme. Le garçon est de l'autre côté et donne de grands coups sur la vitre. Ses yeux bleus sont écarquillés, hantés par quelque chose d'effrayant.

— Attends !

Il effectue quelques pas lorsque le métro démarre, me fixe en m'adressant des gestes alarmés et mon cœur s'emballe sous l'angoisse.

— Tu le connais ? s'enquiert Sohan.

— Non, pas du tout. Il a dû me confondre avec quelqu'un d'autre.

— Il est fou, ça aurait pu être dangereux.

Je hoche simplement la tête et repousse en arrière une mèche noire qui tombe sur mon front. Un frisson dévale mon échine au souvenir de ses yeux fous et du désespoir qui émanait de ses cris. Qui que soit ce Charlie, il a dû le marquer.

J'attrape la barre en fer du métro et me place devant Sohan qui a trouvé une place assise sur un strapontin. Mes doigts grattent le creux de mon coude de façon presque inconsciente. C'est comme si cet inconnu y avait laissé une brûlure. La sensation de sa main qui m'arrête est encore présente, sa voix résonne toujours à mes oreilles malgré le roulement du métro et le crissement des roues à chaque freinage. Il semblait si désespéré. Peut-être choqué ? Presque hystérique.

Si seulement j'avais su, à cet instant, que cette rencontre venait de déclencher la fin d'une vie de mensonge et le début de quelque chose.  

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Bonjour, 

J'espère que vous allez bien et que cette petite mise en bouche vous a plu. C'est le début de la fin comme on dit ! 😌

Je posterai le chapitre 1 en début de soirée. 

Merci à ceux qui ont déjà ajouté le livre à leur bibliothèque 😍

Bonne journée, 

⭐Joyce. 

Une cuillère et demie de chocolat en poudreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant