CHAPITRE 2

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Mes angoisses sont balayées en une seconde, remplacées par un savant mélange de félicité et de panique. Que fait-il ici ? Un fol espoir fait trembler mes mains, mais je parviens à déverrouiller la porte et le laisse entrer. Il m'adresse aussitôt son petit sourire en coin – celui qui me fait craquer – et des papillons s'envolent dans tout mon ventre. J'y réponds de façon automatique, béat et fin heureux.

— Salut...

Ma voix n'est qu'un murmure et, tout à coup, je n'ose plus le regarder dans les yeux. Mes doigts triture le bas de mon t-shirt à manche longue, passent dans le trou, le détendent un peu plus. Le rouge est délavé, le tissu distendu le rend trop grand. Je rajuste le col qui a glissé afin de couvrir mon épaule et tenter ainsi de sauver les apparences.

Sauf qu'Ilyès se fiche de tout ça. Ou du moins, s'en fichait ? Qu'en est-il maintenant qu'il commence à arborer des vêtements de marque, achetés avec de l'argent sale ?

— Hey. J'étais à une soirée dans l'immeuble d'en face. J'étais sur le balcon et je t'ai vu.

— Oh.

Que suis-je censé dire ? J'ai beau y réfléchir, mon esprit refuse de trouver quelque chose d'intelligent. Ses beaux yeux noirs me fixent, brillants de fatigue – ou probablement d'autre chose, mais je refuse d'y penser.

— Ouais, comme tous les soirs à la même heure. Ça ne change pas.

— Ouais... Mais même dans la nuit j'ai su que c'était toi. Même de loin. Et je sais pas, je crois que je te reconnaîtrai tout le temps.

Mes yeux suivent le mouvement de sa langue lorsqu'il humecte ses lèvres. Un geste bref, accompagné d'un regard qui me balaye de haut en bas. Ces mots... Qu'essaye-t-il de dire ? C'est comme si nous venions de faire un bond dans le passé, à l'époque où nous n'osions pas vraiment nous avouer que l'autre nous plaisait. Tâte-t-il le terrain ? Mes joues brûlent et je détourne la tête afin de cacher mon sourire. Ce côté maladroit m'a toujours fait fondre. Ilyès n'est pas très doué pour comprendre ses propres sentiments, encore moins pour les exprimer et quand il essaye, j'ai l'impression qu'il met son âme à nu, craignant de se brûler en retour.

Ses doigts frôlent les miens, remontent le long de mon bras, déclenchent mes frissons. Quand ils se posent sur ma joue, mon cœur se met à cogner bien plus fort. Ses battements s'intensifient lorsque ses lèvres se posent sur les miennes. C'est doux. Familier. Bon. Et ça m'avait tant manqué que je suis obligé de fermer les yeux pour empêcher les larmes de déborder. Ma main trouve sa hanche du premier coup, retrouve ses habitudes.

Alors ça y est, la pause est terminée ? Je le retrouve, le savoure. La tendresse laisse place à quelque chose de plus imposant, sa langue retrouve la mienne. Il a le goût de la bière et de la cigarette. Ses mains fraîches se faufilent sous mon t-shirt, me caressent avec une assurance qui prouve que lui non plus n'a rien oublié.

— Ta chambre, souffle-t-il entre deux baisers.

Et je ne peux qu'acquiescer, car ça a toujours été ainsi. Je le laisse me guider à travers l'appartement, allumer ma lampe de bureau et, pendant une seconde, je regrette de ne pas avoir fait mon lit ce matin, avant de me rappeler qu'il s'en moque probablement. La pièce accueille tout juste un lit une place et une armoire, contre laquelle je me retrouve bien vite plaqué. J'inspire, m'agrippe à sa nuque tandis qu'il plonge dans mon cou pour l'embrasser et suçoter ma peau. J'ai l'impression de couler et, dans ces moments-là, je ne peux que m'agripper à ma bouée de sauvetage.

Une de ses jambes glisse entre les miennes, me fait me redresser. Quelque chose se tord dans mon ventre, se noue dans ma gorge. L'appréhension ne m'a jamais vraiment quitté. Et pourtant, j'en ai envie. J'ai envie qu'il ait envie, qu'il me désire.

Une cuillère et demie de chocolat en poudreOnde histórias criam vida. Descubra agora