13.

59 4 3
                                    

Lorsque Paula ouvrit les yeux, elle sentait son dos qui était douloureux, ce qu'elle ne jugea pas étonnant, étant donné la nuit qu'elle venait de passer endormie sur le sol. Bucky était déjà réveillé, vu les bruits qu'elle entendait dans la pièce d'à côté. La femme se leva, la main posée dans le bas de son dos, en se frottant les yeux des doigts de son autre main, et déambula jusqu'à la cuisine, où Barnes se trouvait, en train de manger dans un bol rempli de céréales.

- Bien dormi ? demanda l'homme
- J'ai mal au dos, répliqua t elle en éclatant de rire.
- Je t'ai pas trop dérangé ?
- Tu es là, et j'accepte tout de toi. Que ce soit tes cauchemars, les petits ronflements, les petits pets, tout.

Il lui adressa un coup d'œil moqueur, en rétorquant :

- Romantique.
- T'es bête. En fait, le plus dur c'est de rien pouvoir faire pour toi, alors que j'ai envie de t'aider.

Il baissa les yeux, plongea la cuillère dans son bol, l'air songeur.

- Je peux ?
- Bien sûr. Installe toi.

D'un air timide, elle suivit sa proposition, en s'installant en face de son aimé, et s'assit, le menton dans les mains.

- Tu manges pas ? s'enquit il en remarquant qu'elle l'observait toujours avec attention.
- Non, jamais. Pas le matin, je veux dire. Le restant du temps je pense à manger. Enfin, pas que j'ai oublié, mais je n'ai pas faim, murmura t elle, en bafouillant.

Une minute passa, les plongeant dans le silence, et les lèvres de l'homme se tordirent en un sourire, alors qu'elle rougissait comme une enfant.

- Me regarde pas comme ça. Je me sens vraiment bête.
- T'en fais pas. Je crois que tu es plutôt mignonne.
- Tu crois ?

Le bruit de la cuillère retentissant contre la porcelaine du verre résonna dans tout l'appartement, alors qu'elle le défiait du regard, ce qu'il remarqua. Sans la lâcher des yeux, il hocha la tête, continua alors de déjeuner, alors qu'elle souriait de manière narquoise.

- Je n'aime pas ton regard, s'amusa Bucky.

Elle se pencha, les mains sur les joues, les coudes sur la table, et ses pupilles rivées sur ses cheveux ébouriffés.

- Dis.
- Encore une question ? ria la femme
- Oui.
- Raconte moi, ironisa Paula, en se grattant la nuque
- Comment je peux être sûr que tu n'écriras jamais à mon souci ?

La femme leva les yeux en l'air, comme si une réflexion s'imposait à elle, et se redressa, ses pieds nus frôlant le sol froid.

- Eh bien...

Bucky quitta sa chaise, fasciné par ses mouvements, et la laissa s'emmitoufler dans ses bras.

- Vois tu, quand j'écris un article...

Elle glissa ses doigts jusqu'à ses lèvres, pour caresser es dernières, alors qu'il frissonnait sous son toucher. Il n'avait jamais cru aux sorcières, mais, ainsi, alors qu'elle le touchait, il pensait très sincèrement que son frôlement était maléfique. Cela rendait fou l'homme de ne jamais être rassasier de sa voix, ses mots, et ses sourires, comme s'il était affamé chaque seconde un peu plus.

- Je suis censée être objective.
- Censée ?
- Tu me rends tout, sauf objective, répondit elle finalement.

Il goûta à ses lèvres, ne les quittant jamais, alors que peu à peu, les pieds les transportaient dans ce qui paraissait être la chambre de Bucky, et son lit. Personne n'avait besoin de savoir ce qu'ils faisaient dans cette pièce sombre, comment leurs vêtements s'entremêlaient en même temps que leurs lèvres se cherchaient, comment leurs rires se noyaient dans cette brume d'amour.

Même si Paula savait que rien ne durait éternellement, elle espérait que les minutes dans ses bras seraient encore longues et nombreuses.

* * *

De son bureau, Monsieur Kemp observait Paula, ses yeux de rat plissés dans une expression qui horrifiait la femme, et lui parlait de bien des choses. La première, était qu'il souhaitait -non, désirait- que Paula ôte ses chaussures, la deuxième qu'elle s'assoit et la dernière qu'elle l'écoute attentivement. Avec un sourire crispé, la journaliste s'installa sur le fauteuil en cuir en face de celui de son supérieur, et ne bougea pas pour enlever ses talons, malgré son regard insistant.

- Mettez vous à l'aise, mademoiselle Alcott, siffla t il avec son ton doucereux qui la mettait tant mal à l'aise
- Bien sûr, monsieur.

Face à lui, toutes ses envies de se rebeller, de le dénoncer, disparaissaient, et elle devenait soumise, elle aussi. L'homme en face d'elle avait le pouvoir de la pousser à démissionner, ou de faire de sa vie un enfer, comme il l'avait fait avec tant d'autres qui avaient eu le malheur d'être belles. Il serait injuste de dire que c'est la beauté des femmes qu'il considérait comme attirant, tant cette idée aurait pu mener des personnes à penser que les femmes étaient coupables. Cette pensée effleura Paula un instant, avant qu'elle se ressaisisse, et la femme eut la certitude que le monde n'était encore prêt à arrêter de culpabiliser les femmes.

- Je souhaiterais que vous et votre collègue travailliez sur un article particulier, sur cette association qui prend en charge les Éclipsés. C'est possible ?

Paula hocha la tête, et il continua d'annoncer son projet, et elle d'approuver d'un simple geste, le cœur battant la chamade.

Alors qu'enfin, il la libérait, derrière la porte, elle fondit en larmes et monta avec précipitation les étages dans l'ascenseur, rejoignant ensuite Jared.

- Tout va bien ?

Et les mots défilèrent, elle ne les retenait plus : alors que son ami peinait à la consoler, Paula s'assit à son bureau : les joues encore humides de larmes non séchées, elle tapa sur le site de leur boîte tout ce qu'elle voulait dire depuis si longtemps. Jared ne parvint pas à l'en empêcher : sur ce site, restait désormais ce qui poussait chaque mois des femmes à démissionner.

* * *

A regarder désormais en arrière, Paula aurait sûrement dû voir quelques indices : le retard de règles qu'elle n'avait même pas remarqué, ou bien cette évidence qu'elle n'était plus seule.

Après avoir su qu'elle portait la vie, la question qui l'avait hanté était la suivant : "De qui ?". Elle se la posait depuis une dizaine de minutes, le regard dans le vide, la gynécologue parlant de choses qu'elle ne saisissait.

- Dites moi simplement : combien de temps ?
- Deux mois.

La date se tatoua sur sa peau, alors qu'elle réalisait avec horreur : il y a deux mois, elle ne connaissait pas Bucky Barnes.

L'Aigle et le Loup Blanc [Bucky Barnes] MARVELWhere stories live. Discover now