Chapitre 6

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— Oh seigneur ! Tu te fous de moi ? jura Tasha.

— Non ! J'étais morte de honte, déclara Lénora la tête enfouie dans ses bras.

— Ta première semaine à Paris commence fort !

Lénora releva faiblement la tête et observa Tasha, un sourire malin sur le visage puis laissa retomber sa tête contre la table en fer. L'air frais du balcon était le bienvenu après l'énorme gêne qu'elle avait subi. Elle ne s'en remettait toujours pas. D'ailleurs son cœur non plus.

— Et il ressemblait à quoi ce beau gosse ? demanda Tasha en tirant sur sa cigarette. C'est le genre mystérieux au regard intense ?

— Mystérieux je ne sais pas mais plutôt princier.

— Genre comme un prince charmant ?

— Ouais. Grand, des cheveux d'un noir profond lui tombant sur le visage. Un regard d'émeraudes.

— Un regard d'émeraudes, murmura Tasha l'esprit ailleurs. Tout ça, ça fait rêver.

— Non je me suis surtout pris la honte mon premier jour de travail. C'est presque comme si j'avais insulté un client.

— Mais il ne l'a pas mal pris. Il s'en est amusé justement.

— Non mais...

— Ben voilà. Allez levons notre verre à l'arrivée du prince charmant.

— Oh non Tasha, s'il vous plaît...

— Si, si. Allez !

Lénora se redressa et tendit son verre sans conviction. Le liquide beige coula dans le cristal, l'emportant dans une fragrance savoureuse. Elle posa ses lèvres sur le rebord et fit couler le vin blanc dans sa bouche mais elle avait l'impression que le goût n'avait pas la même onctuosité que la veille. Elle n'arrivait pas à savoir ce qui avait changé mais elle se retrouvait à l'apprécier tout de même. La nouvelle libraire grimaça à la sensation brûlante le long de ses trachées avant de reposer le verre maladroitement sur la table. La brise nocturne venait caresser ses joues et allégeait la chaleur de l'alcool. Elle entendit Tasha émettre un rire mutin.

— Tu crois qu'il va revenir ? demanda brusquement sa voisine.

— Oh non. Enfin j'espère pas même si c'est fort probable. Apparemment c'est un habitué de La Chouette de Minerve. S'il revient je me cache dans l'arrière-salle.

— Enfin Lénora ! Tu ne peux pas te cacher indéfiniment. Il va bien falloir que tu fasses face à la réalité.

Voyant que Lénora ne répondit pas, Tasha alla plus loin dans son propos.

— Tu l'aimes bien ?

— QUOI ? s'étonna Lénora sur les nerfs. Bien sûr que non. Je ne le connais pas.

— Mais il est très beau.

— Tasha...

— Tu m'as dit que c'était quoi son nom déjà ?

— Valentin Langlois, surnommé Val. C'est comme ça qu'il s'est présenté à moi et qui plus est, sans gêne. Je ne lui ai jamais demandé.

— Hmm, dit Tasha avec un sourire espiègle.

Lénora leva les yeux au ciel et s'affala sur la table fraiche. Des frissons parcoururent son corps entier au contact du métal et elle frotta ses bras puis elle observa l'horizon qui brillait seulement par Séléné*. Son esprit vagabonda sur le galeriste. Pourquoi pensait-elle encore à lui ? Parce qu'il l'avait troublée. Elle ne s'attendait pas à voir apparaître la grâce devant ses yeux. Elle s'était imaginée Valentin dans sa plus belle rêverie. Il était parfait en tout point extérieurement. Tout était céleste chez lui. Elle était sûre qu'il avait été sculpté dans du marbre par les dieux. Quelque chose en elle à propos de Valentin la bousculait. Elle n'arrivait certes pas à pointer l'endroit précis du doigt mais les sensations qui lui causaient cet état actuel, elle ne pouvait les nier.

La Ficelle de VénusWhere stories live. Discover now