XXIX. Anne. [Part 1]

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Je ne pensais pas stresser autant. Ça va faire seulement vingt minutes que nous sommes parti en route, en direction de chez sa mère. SA MÈRE. Il a tellement tenu à ce que je l'accompagne que je ne pouvais pas refuser... Mais ça me semble, tellement précipité ?

Dans tous les cas, impossible de faire marche arrière. J'ai troqué mes vans contre des mocassins d'été, et enfilé la première chemise trouvée dans mon dressing qui mettrait mes yeux en valeurs. Autant utiliser de ses atouts pour conquérir le publique. Malgré ces quelques atouts, les défauts restent tout de même là. Alors Harry me fait une liste orale de quelques conseils que je devrais appliquer quand nous arriverons.

« Essaye de faire des blagues, ma mère adore blaguer. »

Si seulement j'avais un peu d'humour, ça m'aiderait pour cette tâche.

Le seul problème, c'est qu'à chaque devinette que Harry me raconte, je le dévisage simplement et c'est surtout son expression d'enfant boudeur qui me fait rire par la suite.

Peut-être que j'aurai dû prendre le bouquin qui trainait dans la pile, près des rouleaux de papiers toilette dans ses WC. L'humour pour les nuls. C'est sûrement de là que viennent toute ses blagues, qui sont vraiment, nullement marrantes.

Dans tous les cas, pour ce conseil là, je m'en tiendrais à rire exagérément quand les autres riront. C'est déjà ça...

« Ouvre-toi un peu. Ne te gêne pas à raconter de ta vie, des bons souvenirs. »

Seulement des bons souvenirs ? Je soupire en rabaissant mon regards vers mes ongles rongés par mon anxiété. Si j'avais pensé que cela aurait été si dur... J'aurai trouvé une bonne excuse pour ne vraiment pas venir. Mais il reste moins de deux heures de route avant d'arriver, et d'après Harry, il se pourrait que sa mère ne soit pas encore rentrée de son travail quand nous arriverons. Elle est très occupée dans ses affaires et pourtant très sympathique en dehors. Elle sait faire la part des choses, et c'est souvent rare chez les personnes engagées dans leurs boulot. C'est une personne sûrement très respectable, de ce qu'il m'en dit.

Et son père ? Je n'ai même plus de nouvelle. Va-t-il mieux ? Dans quelles circonstances se sont-ils quittés ? Il y a des couples divorcés qui restent en très bon terme. Alors peut-être que c'est une famille, légèrement fissurée sans être totalement brisée ?

Tant que Harry va bien, c'est le principal. Tant qu'il affiche un sourire des plus sincères, c'est tout ce qui compte pour moi, pour l'instant.

J'ai réussi à lui faire remettre un bandeau. Ses cheveux sont clairement trop long, et comme il ne veut pas les couper... J'ai su le persuader de les dompter, tout au moins. Même si le bandeau en lui même n'est qu'un vieux bout de T-shirt arraché. Ça coordonne plutôt joliment avec sa tenue, cela dit.

L'ironie du sort c'est que Harry n'achète même pas un réel bandeau pour ses cheveux. Il recycle des vieilles choses pour continuer de les utiliser alors que, bordel quand on arrive devant cette gigantesque maison - vraiment plus grande que la mienne, moi qui m'en vantais beaucoup - je perds mes mots. C'est tellement différent de l'image qu'il rejète que j'en reste bouche bée.

Harry longe une petite allée en gravier menant jusqu'à deux grandes portes de garage. Il n'entre dans aucune d'elle cela dit, mais coupe le moteur juste devant. Je serre légèrement ma ceinture de sécurité, mon stresse montant en flèche, avant de me crisper quand une grande main décorée de plusieurs bagues d'acier, vient se poser sur ma si petite cuisse étouffée dans un jean beaucoup trop skinny.

« - Ne stresse pas. Sois toi-même et ils t'adoreront, d'accord ?

- Ils ?

Je me tourne rapidement vers Harry pour lui afficher mon regard questionneur, amenant une énième fois depuis le début du trajet, mes doigts vers mes lèvres pour me ronger nerveusement les ongles.

Let Me Feel.Where stories live. Discover now