XXII. Le grand saut.

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1 month.

Putain, faut vraiment que je pense à ne plus l'écouter. Ça te fera ressentir. C'est clair que sauter dans le vide, ça va m'aider. Quoi que ouais, ressentir la nausée peut-être.

Je soupire et secoue la tête comme un petit chien qui secoue ses poils après être rentré chez lui alors qu'il pleut. Au moins ça met de nouveau ma mèche comme je le souhaite même si je le geste en lui-même n'est franchement pas élégant. Quoi qu'avec mon jogging las et mon T-shirt des Lakers, je ne suis pas vraiment paré à être élégant, aujourd'hui.

« Bon, tu viens ? »

Je lève le regard de mes vans blanches - qui maintenant sont plus grises qu'autre chose - et souris faiblement à Harry qui m'attend, le bras appuyé contre le rebord de sa portière, la vitre étant descendue. Il me fait son petit sourire rassurant de d'habitude, du genre "ça ira". Le même sourire qu'il m'a sorti la première fois que j'ai été le voir son foutu psy, ou encore la semaine derrière, lors des examens de début d'année. Il ne me reste plus que trois ans d'études, ma réussite au passage du CAPES et de l'agrégation et... Je suis prof. Enfin, si je trouve un boulot. Si je trouve quelqu'un qui veuille bien que je transmette mon savoir, à de jeunes cons turbulents. Quoi que, si ils ne sont pas turbulents, ce serait mieux. Pour le stresse, tout ça.

Harry tape dans ses mains pour éclater ma bulle et j'enfonce mes poings dans mon blouson avant d'empoigner le pas jusqu'à la portière du côté passager, qu'il ouvre par galanterie, que je puisse venir m'asseoir près de lui.

« - Tu vas bien ?

- Oui.

- Mh ? »

Il sourit d'autant plus en baissant le regard vers sa main, paume vers le ciel, qu'il vient poser sur ma cuisse. Et c'est comme-ci je retenais ma respiration depuis bien trop longtemps quand je pousse un long soupire de soulagement alors que ma main vient glisser contre la sienne et que nos doigts s'enlacent. J'ai l'impression que mon corps commence à avancer dans un mécanisme complètement contraire au précédent. Il commence à en réclamer toujours plus, comme une drogue. Et chaque dose fait son effet. Mais ce n'est jamais assez.

« - Arrête de stresser, c'est rien.

Je grimace légèrement.

- On va simplement sauter d'un pont, mais oui, c'est assez anodin comme activité de couple.

Il rit un peu alors qu'il suit les instructions de la voix mielleuse de son GPS à lui.

- Moi je trouve ça assez romantique. Collé l'un contre l'autre, se laissant tomber dans le vide alors qu'on s'embrasse...

Je frissonne, rien qu'à l'idée.

- On peut sauter à deux ?

- Oui. Mais c'est comme tu veux. Soit tu sautes individuellement, soit ils nous attachent ensemble pour qu'on puisse sauter à deux.

- Tu préfèrerais quoi, toi ?

Il tourne son visage vers moi, l'espace de quelques secondes, juste le temps de m'afficher son petit sourire au coin habituel. Et sa voix change brutalement, plus rauque, plus grave, plus suave...

- Tu sais ce que je veux. »

Je frissonne une seconde fois sans répondre et concentre mon regard sur la route, assez calme. En fait, depuis la fois où il m'a montré son loft, on ne s'est plus réellement... Touchés. Et je sais que parfois ça le démange, que parfois ses caresses traversent rapidement mon dos pour se poser sur mes fesses. Et j'essaye d'entrer dans son jeu, parce que forcément le sexe fait partie intégrante d'une vie de couple mais... C'est dur. C'est la première fois. Je ne suis pas habitué à me donner corps et âme, surtout aussi vite. Et c'est pas facile, d'être à l'aise, autre qu'avec soi-même. Mais je sais qu'il est patient, qu'il m'a déjà eu une fois, qu'il peut très bien attendre. Je suis impatient de pouvoir de nouveau goûter à ta peau. Je ferme les yeux pour me remettre les idées en ordre. Et quand je les rouvre, Harry se gare au bord d'un trottoir, au beau milieu d'un grand pont, assez perdu. Je me détache rapidement en lâchant sa main, la mienne était devenue moite, et je sors en la frottant contre mon jogging alors que monsieur rit. Je lève les yeux au ciel, comme souvent pour ne pas changer, et je m'avance vers deux moniteurs qui eux affichent un sourire pleins. Je m'avance timidement en triturant mes doigts ; être avec Harry ne m'a décidément pas rendu plus sociable. Alors je l'imite. Je leurs serre la main en les saluant, leurs affichant un sourire un peu plus forcé et je pose mes poings sur mes hanches alors que Harry leurs dit que nous voulons sauter ensemble. Et ça me rassure, qu'il ai prit cette décision. J'aurais été franchement mal à l'aise si il m'aurait reposé la question, vu comme je sais être hyper indécis. Puis les deux hommes nous équipent, et je glisse mes petits pieds dans les harnais, pour qu'ils puissent remonter la ceinture et la serrer à ma taille. Je grimace en gigotant un peu en voyant comme ça sert juste entre mes bijoux de familles et Harry pouffe une énième fois. Je crois qu'il adore se foutre de moi, le problème c'est que je me sens vraiment oppressé avec ce machin. En plus, je les vois d'ici les harnais qui passent sur les épaules. Pourquoi ils ne nous donnent que ceux qui s'accrochent à la taille ? Et si ça se brise ? Et si je...

« - Lever votre pied s'il vous plait.

- Euh, oui. Oui. Désolé. »

Je soupire en baissant les yeux vers un des moniteurs, à genoux devant moi, glissant les liens de l'élastique à mes deux pieds pour les resserrer, et accrocher une sorte de corde à ma ceinture, reliée elle aussi à l'élastique. Bref, trop de choses à assimiler pour mon petit esprit du matin. Il est à peine 10H, encore heureux que ce mois de septembre nous laisse sentir l'été encore assez présent.

Harry vient vers moi et le second moniteur clips nos deux ceintures ensemble. C'est bon... On est collés l'un à l'autre, il ne manque plus qu'à sauter. On se rapproche du bord à petits pas, tandis que Harry caresse mes hanches, le bout de ses doigts glissant à peine sous ma ceinture.

« Tu es prêt, Lou ? »

Je pose mon regard sur ses petites iris vertes qui bats des paupières en me regardant innocemment. Oui, oui je suis prêt. Je suis prêt à tout affronter avec toi, comme à sauter de ce pont.

Et on saute.

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Dis moi des mensonges. S'il te plait. Tant qu'ils me réconfortent, je m'en fou qu'ils ne soient aucunement vrais.

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