XIV

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J'ai toujours aimé la pluie. M'endormir avec la pluie, me réveiller avec la pluie, jouer dans la pluie. Je me souviens quand j'étais en primaire et que je me réveillais les matins de pluie, une joie insoutenable s'en prenait à mon petit corps d'enfant. Je ne prenais même pas la peine de faire ma toilette, ni même de manger, j'allais directement enfiler mon coupe-vent et mes bottes en caoutchouc rouge. Puis sous les cris de ma pauvre mère, je courais dehors prête à me rouler dans la boue. Et souvent Grizz était déjà dehors. Il courrait déjà après les verres de terre et il était déjà plein de boue.

Quand je le voyais comme ça je riais, je riais tellement et je me disais à quel point je l'aimais. Car nous étions connectés, connectés en toute chose. Et je crois aussi que si j'aime autant la pluie, c'est parce que Grizz est dans la plupart de mes souvenirs où il y avait de la pluie.

Pourtant ce matin alors que j'ouvre les yeux et que la pluie tape sur le toit, je n'ai pas envie de courir dehors. Je n'ai même pas envie de me ruer à la fenêtre pour observer les gouttes tomber.
Je crois même que si je faisais ça je me sentirais atrocement coupable. Car pourquoi est-ce que je ferais quelque chose d'heureux, alors que c'est la merde en ce moment ? Pourquoi est-ce que je m'autoriserais un bonheur éphémère pour souffrir encore plus après ?

Le visage encore ankylosé par le sommeil, je m'étire un instant avant de me lever. Le lit est complètement vide, Allie doit être déjà levée. Je décide donc de faire un tour dans la salle de bain, avant de descendre au rez-de-chaussée.
J'y trouve Bean entrain de faire sa prière quotidienne, et la porte d'entrée à moitié fermée. J'enfile des pantoufles et me dirige à l'extérieur. Sans surprise j'y trouve Allie, mais elle n'est pas seule. Grizz est là lui aussi un livre posé à ses côtés. Les deux discutent tranquillement à voix basses.

- Bonjour. dis-je dans un bâillement. Vous êtes débout tôt.

- Comme on dit : le monde est à ceux qui se lèvent tôt. me répond Allie alors que je me dirige vers elle

- La vraie question c'est depuis quand toi tu te réveilles tôt ? dit à son tour Grizz

- Depuis qu'il pleut. répondis-je avant de l'embrasser. Tu sais très bien l'effet qu'à la pluie sur moi. Et sur toi aussi, ça ne devrait même pas m'étonner de te trouver là en fait.

- Me dites pas que vous étiez le genre de gamins à faire des gâteaux de boue et à ramasser des verres ? rit Allie

- Oh que si ! répondis-je en même temps que Grizz

Nous rions tous les deux, et alors qu'Allie se joint à nous j'éprouve soudainement l'envie de courir sous la pluie. Mais avant même que je ne puisse formuler l'idée à voix haute, mon téléphone dans la poche de mon pyjama à carreaux se met à sonner furieusement. Surprise, je ne me rends tout d'abord pas compte qu'il s'agit du mien, mais après un instant je m'en saisis. En allumant l'écran, je constate qu'il s'agit d'Harry qui m'envoie une floppée de messages à la minute. Qu'est-ce qui lui arrive à celui-là ?

- Ton téléphone marche encore ? s'étonne Allie

- Moi aussi je suis surprise. dis-je en fixant l'écran. Je croyais qu'il n'avait plus de batterie.

- Et on peut savoir qui t'harcèle ? questionne à son tour mon copain

- Harry. soupirais-je. Faut que j'aille le voir. Tu veux venir Allie ?

- Non merci. grommelle t-elle en finissant son thé

- Et tu me proposes pas à moi ? rajoute Grizz d'un air boudeur

- Et non c'était une invitation unique ! répondis-je en m'accroupissant près de lui. On se voit plus tard, je t'aime.

Et alors que je l'embrasse une dernière fois avant de retourner à l'intérieur, en plein milieu de l'escalier je réalise ce que je viens de dire.
Oh mon dieu j'y crois pas, je viens de dire à Grizz que je l'aimais ! Merde ! Comment j'ai pu ne pas faire autant attention ?!

Young Nation : THE SOCIETY (en pause) Where stories live. Discover now