N°36 (PARTIE I)

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Appartement de Dazai Osamu. 21h07.

Un silence gênant pesait dans le salon du détective, entrecoupé de toussotements et tapotements de pieds, çà et là. Le regard dans le vague, Dazai cherchait désespérément comment se sortir de cette galère, sans avoir à détourner les yeux du plancher.

Une réflexion profonde et intense que la voix d'Akutagawa vient brusquement perturber.

- C'est forcément un complot.

- Je suis maudit, maintenant j'en suis sûr, marmonna Atsushi dans sa barbe.

- J'ai trouvé un tabouret ! s'extasia Chûya. T'aurais pas une corde, le maquereau ?

Seigneur... Comment en étaient-ils arrivé là ? Rembobinage.

Deux heures auparavant, il était tranquille chez lui, en train de profiter de son verre de whisky tout en dansant quelques pas de jazz au milieu de son penthouse (un bien possédé par une de ses anciennes clientes richissimes qu'elle lui louait à moindre prix). Un vrai paradis chic et moderne pour célibataire, où il pouvait prendre des bains moussants, mater des films sur grand écran et pourvu d'un lit où on pouvait facilement y accueillir trois ou quatre personnes.

Alors pourquoi... alors qu'il vivait sa meilleure vie de suicidaire, à ne rien faire... Dazai se retrouvait-il coincé dans son salon en compagnie de son petit protégé de l'Agence, de son premier mentoré et de son ex-partenaire ?

C'est Chûya qui avait débarqué en fin de soirée pour lui rapporter un Atsushi amoché, la pommette tuméfiée et la lèvre fendue, accompagné d'un Akutagawa, contraint et forcé. De ce qu'il avait retenu de la situation, le jeune détenteur de Rashômon avait bêtement croisé Atsushi dans les rues de Yokohama et une pique en entraînant une autre, les deux jeunes hommes en étaient rapidement venus aux mains. En patrouille dans les parages, Chûya avait dû jouer les grands frères et les séparer.

Jugeant l'attitude de son homologue déplacé, (et surtout parce que Mori l'y avait obligé), le petit roux était venus jusque chez Dazai pour lui ramener son tigre-garou et forcé Akutagawa à s'excuser et, citons le parrain, pour "maintenir des relations cordiales avec l'Agence."

Pfff. Ce n'était pas avec de telles techniques mielleuse que Mori arriverait à faire succomber Fukuzawa. Mais un ordre restait un ordre et Chûya s'y était plié avec la ferme intention de repartir avec son propre collègue aussi vite qu'ils étaient arrivés.

Mais vous connaissez la chanson... (on y retourne !) Une pique en entraînant une autre, les deux ex-coéquipiers s'étaient vite mis à se chamailler au milieu du salon de Dazai. Ils avaient bien commencé sur le palier mais les remontrances agacées des voisins les avaient poussé à rentrer pour continuer.

Et amusé par la petite crise de nerfs de sa limace, le détective n'avait même pas réalisé la tempête qui se levait à l'extérieur. En définitif, lorsque Chûya s'était finalement raisonné à lâcher une dernière insulte avant de partir, des rafales d'une centaine de kilomètre heures soufflaient déjà dehors, accompagné d'une pluie torrentielle.

Ajoutez à cela le fait qu'ils étaient tous venus à pieds et vous avez le cocktails final de cette soirée : quatre pecnos incapables de se supporter les uns les autres, coincés dans un appartement pour Dieu -de la météo- seul sait combien de temps.

Dazai les aurait bien fichu dans le couloir mais Chûya aurait facilement pu défoncer sa porte et il n'avait pas les moyens de la faire remplacer.

- Eh oh ! Dazai ! La corde ?

L'intéressé releva la tête pour découvrir la mine désespéré du roux, qui traînait sous son bras un vieux marche-pied qu'il avait dû dégoter dans le cellier.

Double Ancrage || SoukokuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant