N°29 (PARTIE II)

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- UNIVERS ALTERNATIF -

DEUXIÈME PARTIE

À ce jour.

Tokyo International Forum. 20h47.

- C'est une blague, j'espère ? s'exclama Chûya.

Il en aurait presque recraché la moitié du verre d'eau que Kôyô lui avait apporté. Et quoi de mieux que de devoir se changer complètement dix minutes avant d'entrer en scène ? Enfin, sur le moment, il ne s'en soucia que très peu, voire pas du tout. Seule la proposition de son manager résonnait dans ses oreilles, par-dessus les hurlements de la foule en attente quelques mètres plus loin et l'agitation habituelle de l'équipe technique autour d'eux.

Mori savait parfaitement que ce qu'il avait à lui dire ne serait pas le bienvenue et pendant quelques jours, il avait même envisagé de ne jamais lui en parler. Mais en tant que professionnel, il devait penser à ce qu'il y avait de mieux pour la carrière de son protégé et ce, même si cela devait lui faire prendre le risque de mourir criblé de balles sous le regard revolver de Chûya.

- Je te demande juste d'y réfléchir, reprit calmement Mori.

- Y réfléchir ?

Le petit roux lâcha un rire jaune rempli de sarcasme et de haine. Bon, peut-être que le manager aurait pu trouver un autre moment pour aborder le sujet. Mais juste avant le début d'un concert lui avait paru être la meilleure des options, s'il voulait avoir une chance de rester en vie. Chûya n'était pas du genre à annuler ou à retarder ses spectacles pour soucis personnels et le temps que le concert se termine, peut-être que sa colère serait retombée. Ou pas. Difficile à prévoir lorsqu'il avait ce regard noir.

Le jeune chanteur de vingt-deux ans envoya son poing ganté dans le mur le plus proche et crispa la mâchoire à s'en briser les dents.

- Ce salopard disparaît comme un voleur pendant quatre ans et aujourd'hui, il revient comme si de rien n'était ? Il se fiche de qui exactement ?

- C'est une proposition la fleur au fusil, précisa Mori.

- Attends que je lui retourne le canon dans la figure !

Bon, visiblement il n'était pas de paroles suffisamment apaisantes pour le calmer. Il n'y en avait jamais eu au fond. Chûya était quelqu'un d'impulsif et de colérique. Et ses défauts n'avaient fait que s'exacerber depuis le départ de Dazai.

Loin de vouloir juger ses sentiments et sa façon de réagir à un épisode douloureux de sa vie, Mori préféra lui exposer l'idée sous un autre angle et tenta de le raisonner.

- Ce serait très bénéfique pour ta carrière, expliqua-t-il.

- Ah oui ? Et tu peux m'expliquer en quoi ?

- Tu ne te rends pas compte ? Une chanson en duo avec Dazai Osamu ? La réunion du Double Noir d'antan. Vos fans de l'époque et ceux que vous avez respectivement maintenant, constitue plusieurs millions de personnes ! Ce featuring promet de faire un sacré carton partout où il sera diffusé !

- Dazai a choisi lui-même de partir et de faire une carrière en solitaire, répliqua Chûya. Je ne sais pas à quoi il joue en me proposant ce duo, mais je refuse d'en faire partie.

- Ce n'est pas lui qui l'a proposé, mais son manager actuel. Fukuzawa.

Mori avait prononcé ce nom avec un tel dédain qu'en temps normal, Chûya s'en serait sûrement amusé. Ces deux-là étaient en compétition dans le monde de la musique depuis des années. C'était à qui dénicherait le plus grand talent. Et à l'heure actuelle, si l'on en croyait les sondages de popularité lancés sur la toile et les magazines people, ils pouvaient se vanter d'avoir fait jeu égal. Dazai et Chûya se retrouvaient souvent à égalité sur la première marche du podium, bien loin devant leurs autres concurrents. Parfois l'un passait devant l'autre, mais le second le devançait la semaine suivante et ainsi de suite. C'était un cercle sans fin et plutôt vicieux quand on savait que Chûya ne rêvait que d'une chose : qu'on ne l'associe plus jamais à ce traître.

Double Ancrage || SoukokuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant