Nicolas 1

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Avec Nicolas, mon premier patient, je ne commence pas par le cas le plus simple. Il vient juste de m'avouer qu'il pense très sérieusement au suicide. Je ne sais pas si je vais être à la hauteur. J'aurais aimé pouvoir me préparer, mais Mehdi n'avait pas de détails à me donner. Cet élève, il l'a convoqué plusieurs fois dans son bureau, pour discuter avec lui, mais il n'a pas réussi à avoir d'information. Alors que là, dans mon cabinet, ce jeune homme de dix-sept ans se livre immédiatement. Ce qui me fait dire que mes amis ont raison, j'ai peut-être un truc qui fait que les autres ont une facilité à se confier à moi. Pour le coup, j'aimerais bien ne pas avoir ce don, puisque ce que vient de me confier Nicolas est quand même très grave.

– C'est la première fois que vous envisagez de vous suicider ?

Je me lance. Je ne sais pas du tout si j'adopte la bonne méthode. D'ailleurs, ma question est assez brutale, mais la révélation de ce patient l'était aussi.

– Non, j'y ai pensé plusieurs fois, maintenant je sais comment faire.

– De quelle manière pensez-vous procéder ?

Je suis en roue libre, je laisse parler mon instinct. Je devrais avoir un peu plus de maîtrise, puisque ce n'est pas un jeu, on parle d'un sujet grave. J'ai soudain une grande responsabilité, mais je ne peux pas faire autrement qu'improviser.

– Ma mère est sous antidépresseurs. Je sais que chaque début de mois elle refait le plein de comprimés. Il suffit que j'attende et que j'en avale une bonne dose, avec un verre de whisky, facile d'accès puisque mon père en raffole.

– Les comprimés de votre mère, l'alcool de votre père. C'est une façon de dire que vous leur en voulez ?

– Pas du tout, ils sont formidables !

– Vous discutez avec eux ?

– Non, on ne communique pas énormément, enfin vous savez ce que c'est, à l'adolescence...

– Oui, on se referme sur soi et c'est la période durant laquelle on se rebelle plus ou moins brutalement contre ses parents.

– Je n'ai aucune raison de me rebeller. Ils sont cools. J'ai toujours eu tout ce que je voulais, ils sont présents pour surveiller ma scolarité.

– Vous avez toujours eu ce que vous vouliez ?

– Quand j'ai envie de la dernière console sortie, ils me l'achètent. Si je veux pratiquer un sport, ils sont toujours partants. Plus jeune, je me passionnais pour les comic books, ils auraient tout acheté si je les avais laissé faire.

– Vous ne parlez presque que de produits de consommation.

– Il y a aussi beaucoup d'amour, enfin, c'est moins précis, plus impalpable.

Ce jeune homme a déjà beaucoup réfléchi à sa propre vie, il a réalisé son introspection, il paraît assez mature. Je ne sais pas si, à son âge, j'aurais pu tenir un tel discours.

– Ils sont donc parfaits.

– Non. Je crois qu'ils feraient tout pour leur fils unique, mais ils sont aveugles.

– Comment ça ?

– Ils ne voient pas ce qui se passe.

– Et que se passe-t-il ?


Mince, à cet instant la machine à café émet un bruit, les boissons sont prêtes, je dois interrompre cette discussion, qui était bien lancée.

– Il ne se passe rien de spécial, juste que je suis mal dans ma peau, c'est normal à l'adolescence, non ?

– Plus rarement au point d'envisager de se suicider.

HadrienOù les histoires vivent. Découvrez maintenant