4. Les coulisses du pouvoir

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Tarsanne marchait, comme à son habitude, dans les couloirs de son palais.

Il l'avait traversé des milliers de fois, si ce n'est plus. Il en connaissait les moindres recoins, si bien qu'il aurait pu le parcourir les yeux fermés.

La douce lumière orangée du crépuscule éclairait les parures et les tableaux accrochés aux murs. Il n'y prêta pas attention. Le souverain était perdu dans ses pensées. Ses pas le guidaient aveuglément, tournant tantôt à droite, tantôt à gauche, sans destination particulière. Il avait juste besoin de se dégourdir les jambes et de réfléchir seul. Les plans, les cartes et autres préparatifs militaires avaient obstrué sa vue et s'étaient ancrés dans sa rétine. Il avait besoin d'examiner les choses sous un autre angle.

Il n'aperçut aucun garde, aucun domestique pendant sa traversée interminable.

L'Empereur ne croisa qu'Ata, qui attira son attention, un temps. Son passage vint briser l'harmonie rouge et or des couloirs lorsqu'il remarqua la mèche bleue du garçon tombant sur son visage ; se balançant au rythme de son allure. Cette dernière contrastait avec sa chevelure noire. La combinaison de ces deux couleurs se détacha du reste du décor.

Ata, lui, ne le remarqua pas du tout. Il ne sortait que rarement pour faire des allers et retours entre sa chambre et la Bibliothèque Impériale.

En apercevant ainsi l'enfant, Tarsanne fut pris d'une forte nostalgie et il commença à se comparer à lui.

Il ne trouva aucun point commun entre leurs enfances respectives, si ce ne fut le fait qu'ils appréciaient tous deux lires les carnets des voyageurs. Ils regorgeaient de récits épiques, de descriptions incroyables de lieux et de peuples qui lui étaient inconnus.

Enfant, Tarsanne contemplait dans les profondeurs de son imagination les larges forêts, les rivières, les villages colorés qu'il croisait durant ses périples. Il partageait alors les scénarios qu'il créait à ses amis dans lesquels ils étaient tous de célèbres aventuriers. Ses nombreuses lectures eurent vite nourri son désir de voyager à travers les Mondes et commencèrent à prendre la forme d'une forte passion.

Il se permit d'envisager une autre voie, un avenir brillant dans le domaine. Et à sa plus grande joie, il put poursuivre le cursus de l'Académie des Mondes de Versen. Ce ne fut que des années plus tard, qu'il comprit que ce n'était pas pour cette raison qu'il avait été inscrit à l'établissement.

Le jeune prince fut rapidement rattrapé par la réalité. Son devoir lui rappela, de manière constante, qu'il n'aurait jamais le temps pour de telles excursions. Tarsanne avait été élevé pour devenir le successeur au trône et non un Voyageur. Il se résigna au fil du temps à assumer cette nouvelle responsabilité. Une immense fierté en naquit.

Il en oublia le fardeau qu'elle avait représenté autrefois et effaça ses rêves un à un, mettant cela sur le dos de l'enfance et de ses lubies.

Il n'eut alors plus le temps d'accorder quelques instants à ses proches. Ni de s'amuser dans les bois de la forêt belliqueuse de Rent avec la fratrie Overglade. Les nombreux sacrifices, auxquels il dut faire face sans broncher, l'écrasèrent. De plus, Tarsanne pouvait être la cible de complots et de tentatives d'assassinat. Sa confiance n'était, ainsi, plus acquise.

C'était ce que représentait sa vie, la vie de souverain. Le peuple n'y voyait que richesse et luxe sans se soucier des dangers et des responsabilités engendrés par le pouvoir. Lui ne les perdait jamais de vue.

Il soupira, regrettant une seconde d'être Empereur. Puis, il retourna à sa longue réflexion.

Il se permit de remercier intérieurement Ata de manifester autant d'intérêt aux archives et d'y passer ses journées. Grâce à lui, une piste s'était ouverte sur ce nouveau problème de Terrien et il ne pouvait qu'imaginer quel précieux temps ils avaient gagné.

OVERGLADE    1. Le mage noirWhere stories live. Discover now