23 - « Envers du décor »

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ISELA

Comme le clamait le prince, l'idée de visiter un temple était de son fait, bien qu'elle n'eût jamais aimé ces lieux. Entre la voleuse d'âme qui existait à cause de la lumière d'Imshe et la mort rouge qui avait ravagé de nombreux foyers par le passé, Isela ne croyait pas en la bienveillance des Dieux. Les légendes, et maintenant ses compagnons, prétendaient qu'Imshe avait perdu le contrôle suite à la disparition des humains, mais si la déesse se souciait réellement du bas monde, elle ne laisserait pas la maladie les achever.

Nous ne sommes que des insectes dans un grand vivarium, qu'ils contemplent peut-être quand ça leur chante, pensa l'itakie, le regard sombre.

Convaincue, elle n'accordait que peu de respect envers les temples. À ses yeux, ils ne valaient pas mieux qu'un autre édifice. Isela ne se gêna donc pas pour l'explorer sans honte, visitant chaque terrasse et pièce ouverte. Elle en compta foule, à se demander s'il en existait de verrouillée.

L'apanage des lieux qui n'ont rien à cacher, comme le prétendaient certains. Mais l'itakie pensait différemment. Elle percevait en cette démonstration de charité débordante une facette destinée à obnubiler les regards pour les détourner d'une réalité plus sombre.

Je me fais probablement des idées. Arrêtons un peu de voir le mal partout.

Elle inspira bruyamment l'air frais des hauteurs, tandis que ses prunelles larimar balayèrent l'horizon. Accoudée contre la main courante d'une terrasse supérieure, elle trouvait Lashinn ridiculement petite en contrebas. À peine plus large que sa main qu'elle ouvrait, les doigts en éventail, devant son visage.

Elle se laissa à sourire face à ses enfantillages. Un peu de légèreté apaisait son cœur. Depuis sa rencontre avec Suren et Owen, les heures défilaient, toutes aussi éreintantes les unes que les autres. En pensant à ses deux acolytes, elle jugea temps de revenir à leur côté. Bien que Suren se trouvât armé, il restait un haut noble fort peu habitué à la vie dans le monde ici-bas. Sa pierre de mimétisme ne cachait pas tous ses travers princiers.

Dans un soupir usé, autant à l'idée de se renfermer dans l'obscurité de la bibliothèque qu'aux souvenirs de Nolie qui lui conseillait de charmer Suren, elle se retourna. Son regard plongea sur les planches, leur bois clair entrecoupé de rares mousses, et remonta doucement vers l'avant, quand une tâche carmin attira son attention. Longue, telle une traînée de liquide, il ne s'agissait pas de végétaux.

Du sang?

Perplexe, Isela scruta les alentours, puis s'avança. Plus que la présence de sang, sa position la laissait dubitative. La trace se trouvait bien trop imposante pour une simple coupure d'une prêtresse sur cette terrasse jalonnée de bacs de coraux. Une jardinière maladroite ne pouvait se blesser de la sorte... et sa sève vermeille ne pouvait non plus se faufiler sous un mur.

Quelque chose a été traîné par-delà le mur.

Plus curieuse que pressée de retrouver ses compagnons de voyage, Isela s'accroupit et examina la tache. Elle ne se trompait pas. Il s'agissait bien d'une trace de sang qui s'étirait sous la cloison. Doucement, elle glissa la pointe de sa griffe sous le bois. Il ne bougea pas d'un pouce, mais l'itakie en était certaine, il ne s'agissait pas d'un simple mur.

Reste à savoir comment l'ouvrir.

Mais Isela restait confiante. Les portes dérobées répondaient toutes aux mêmes tours de passe-passe... contrairement à ses quotidiens, dont un coup bien placé sur la nuque mis fin.

 contrairement à ses quotidiens, dont un coup bien placé sur la nuque mis fin

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Ténèbres d'ImsheOù les histoires vivent. Découvrez maintenant