17 - « Reine ? »

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ISELA

Le doute planait. Nolie connaissait ce noble qu'Isela avait malencontreusement traîné à Waba. Elle ne l'avait pas avoué ouvertement, mais la rouquine ne voyait que cette explication au désir si pressant de son aînée à discuter avec l'itaki.

En tant que gouvernante au palais, elle connaît beaucoup de visages, mais les nobles sont moins regardants. Et Sen l'a aussi reconnue... sinon il n'aurait pas tenté de se cacher sous sa capuche. Il se dit seulement d'éducation noble, mais pour fricoter avec les têtes pensantes, il vient de haut.

La colère prenant le pas sur ses inquiétudes, Isela frappa du poing sur la table. Le bois grinça, tandis que les pieds de mauvaises factures menacèrent de céder sous des tremblements houleux.

Bon sang! Je n'ai tout de même pas dévoilé Waba à un fils d'océbi?

Si la couronne restait son plus grand ennemi, les océbis ne se trouvaient pas moins haut sur sa liste de familles à abattre. Puissants, leur arrogance égalant leur richesse, ils ne participaient pas directement aux décisions qui régissaient le royaume de Yorze, mais comptaient des bras bien assez longs pour les influencer.

D'un autre côté, si je le mets dans ma poche, il pourrait peut-être faire entendre la voix des Wabans auprès de la couronne...

Dans un soupir, Isela s'adossa à sa chaise et bascula la tête en arrière. Le visage rivé vers le plafond, tantôt taché de marques brunâtres tantôt de toiles finement tissées, elle laissa ses paupières tomber. La fatigue commençait à l'emporter... quand un craquement sur le seuil d'entrée la réveilla d'un sursaut.

— Tu as l'air au bout du rouleau, lui sourit Nolie qui s'attabla en face d'elle.

— Et tu vas m'achever avec quelques révélations croustillantes, je me trompe ?

La mine fermée, le regard un brin calculateur, Nolie croisa les bras.

— Je vais te dire la vérité, lâcha-t-elle. Mais promets-moi de rester ouverte d'esprit et de m'écouter jusqu'au bout.

Isela haussa les épaules. Elle n'en dit mot, mais elle s'attendait déjà à la brutalité du fond de ses aveux. Sen ne pouvait être qu'un fils d'océbi qu'elle avait tiré jusqu'à Waba dans l'espoir de gagner le soutien du magicien.

— Bon, souffla Nolie. Allons droit au but.

Elle déposa un cristal à l'orange vibrant sur la table et fit tinter son ongle sur sa surface lisse dans un « ukula ».

Elle ne souhaite pas que des oreilles indiscrètes nous écoutent... C'est sûr! Sen est un fil d'océbi, pensa Isela qui s'efforça de chasser une grimace.

— Sen ne t'a pas donné son vrai nom.

Isela mima une exclamation de surprise qui suintait de sarcasme, mais Nolie ne releva pas.

— Il s'agit du surnom affectueux que lui donne en privé sa mère... la reine.

La rouquine opina du chef, l'air dégagé, avant de prendre conscience des mots de son aînée. Sa bouche se déforma en une grimace odieuse, tandis que ses sourcils menacèrent de rejoindre son nez de froncements exagérés.

— Oui, tu as amené à Waba le prince Suren, ajouta Nolie.

Isela se figea en cette expression mêlant sidération et horreur, ses pensées s'entremêlant. Une seule certitude en ressortait, de tous les nobles du royaume, elle était tombée sur le pire.

— Je sais ce que tu penses, continua l'itakie. Mais Suren n'est pas comme sa mère.

— Il est le fils adoré de cette folle ! gronda Isela. Mais attends une minute ! Il a quitté le palais comme un voleur. Donc personne ne sait que... qu'il a fui ? La reine doit le chercher.

Ténèbres d'ImsheWhere stories live. Discover now