Chapitre 11

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29 novembre 2020

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29 novembre 2020

J’ai la désagréable impression d’agir comme un automate ces derniers jours. Tout s’enchaîne comme il se doit, le mois de novembre avance bien trop vite et la grisaille est à l’image de mon âme. Le temps qui défile me pèse et je ne sais où me situer. Je subis tout ce que je vis. Je n’arrive pas à profiter de mes instants avec Justine, j’en viens même à éviter les appels de Malik. Je suis sur le fil, je le sais, je le sens… Mes journées sont comblées et mes nuits hachées.

Je perds petit à petit cette lueur. Je ne crois plus en rien, l’espoir s’éteint. Tout devient fade. Assis sur mon fauteuil, j’essaie de me rappeler les paroles de la psychologue concernant ces phases. Elle m’expliquait qu’on ne sortait jamais définitivement d’une dépression, mais que si nous étions capables de comprendre que nous étions dans un épisode descendant, c’était déjà un grand pas. Je suis en plein dedans. Je fais la liste de ces conseils pour m’en sortir.
Faire des activités qui me font du bien, impossible d’appeler Justine. Nous nous sommes disputés la semaine dernière à propos de son copain qui aimerait en faire sa maîtresse. Petit con qui profite de la faiblesse de ses sentiments. Je lui ai dit de faire attention, malheureusement cela l’a vexé et son tempérament de feu m’a insulté de tous les noms d’oiseaux qu’elle connaissait. Depuis c’est le silence radio, je sais qu’elle a besoin de cette distance pour comprendre.
Reprendre le dessin. Ça me soulage sur l’instant, je replonge dans la douceur des moments avec Constance. C’est comme prendre un antalgique, je me sens bien, mais quand l’effet se dissipe c’est douloureux…
Profiter de ma famille. Je ne me sens pas capable de voir le ventre de Jeanne qui s’arrondit de jour en jour. Je suis heureux pour eux, mais ça me rappelle inlassablement ce que j’ai perdu. J’ai peur de ne jamais connaître ce bonheur-là.
Sortir. J’aimerais aller faire du Parkour, me vider la tête, mais je dois mon isolement au covid. Nos autorisations de sortie se limitent seulement au travail. Resquiller n’est même pas possible.

J’allume la télévision, bien conscient que je vais devoir me contenter de mes pensées sombres pour unique compagnie. Je suis tiraillé, perdu entre ce que je suis censé faire et ce que je fais. Je dois me battre, ne pas couler, mais je suis fatigué. Pour la première fois depuis longtemps, j’ai envie de baisser les bras. Elle n’est plus là, je n’ai rien…
Si tout avait été différent. Mais avec des si, on mettrait Paris en bouteille. Les faits sont devant mes yeux, je suis ici sans personne avec un passé qu’on ne peut concevoir si l’on est sain d’esprit. La simple réalité c’est que ma vie a basculé, il y a cinq ans, dévastant tout. Dans le pire des cas, je finis camé, dans un coin abandonné de la capitale avec pour unique ami un chat de gouttière qui viendrait se faufiler sous mon carton, la nuit. Dans le meilleur, je finis par avancer doucement, mais sans saveur sur un chemin bien loin de ce dont je rêvais.
Soudainement, on frappe à ma porte. Ça me ramène immédiatement sur terre. Le monde ne s’arrête pas de tourner. Je me redresse et réalise que je me coupe de tout. J’essaie de réfléchir, mais je ne vois pas qui peut bien venir me voir un dimanche matin. Je me lève et me dirige vers l’entrée. Je regarde rapidement dans le judas et découvre l’identité de mon visiteur. Malik. Il était évident que ça finirait par arriver, mais je ne pensais pas qu’il débarquerait si vite chez moi.
– Joan, si t’ouvres pas cette porte, je te promets d’appeler les flics !
Frénétiquement, il tape sur le bois et à ce rythme-là, il va alerter tout le voisinage. Je retourne dans ma chambre enfile un jean et un pull à la va-vite. J’ai à peine le temps de tourner la poignée qu’il entre dans mon salon.
– Merde Jo. Ça fait plus de quinze jours que je t’appelle et que tu réponds pas. Tu sais ce que j’imagine ? Que t’as replongé ! Mais je me dis que c’est pas possible, pas après tout ce temps ! Pas toi ! J’ai tout misé sur toi !
– Malik !
– Après tout ce qu’on a fait ensemble ça saoule, craquer pour cette daube ça me rend fou. Je pensais que tu m’appellerais, que tu me demanderais de l’aide. Mais non ! Merde, vraiment ça fait chier !
– Malik !
Je finis par hausser le ton pour qu’il m’écoute.
Il s’arrête, me dévisage et s’affale sur le canapé. Je sais que je vais passer un sale quart d’heure. Certes je n’ai pas respecté notre lien ni la promesse que je lui ai faite, mais je le connais suffisamment pour savoir qu’il s’imagine le pire.

N'enferme pas nos coeursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant