Chapitre 5

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16 octobre 2020

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16 octobre 2020

Les yeux de Malik sont toujours posés sur moi dans l’espoir que je me libère, mais en suis-je vraiment capable ? Tout semble bloqué au fond de ma gorge, rien ne peut sortir. Les articles parus dans les journaux me reviennent en mémoire : « L’homme de 25 ans disparu durant de la fête de la musique et la jeune femme kidnappée le 15 août ont été retrouvés. Alors que nous attendons la suite de l’enquête pour comprendre les motivations du ravisseur, nous savons déjà qu’ils sont tous les deux hospitalisés. Ils auraient subi de graves sévices.» De graves sévices… Des mots bien commodes pour taire la réalité.
– Joan, parle-moi au moins d’elle, m’interrompt-il dans mes pensées. Et je ne te parle pas de me filer sa pièce d’identité, de ce côté-là, je sais déjà tout.
Parler d’elle… Je pourrais écrire un roman sur celle que je n’aurais jamais dû rencontrer. De cet enfer, elle est ma seule lumière, cette étoile dans la nuit noire. Je ne sais pas vraiment par où commencer ni quoi lui dire, je lui livre alors notre première rencontre, ce moment où elle a su rallumer la flamme.
– Je l’ai rencontrée alors que je venais de passer des heures à servir de punching-ball. J’étais littéralement démoli physiquement, mais aussi moralement. J’avais des entailles partout et pour la première fois dans ce cauchemar quelqu’un s’est occupé de moi. Elle s’est souvenue de qui j’étais, de ma disparition. Elle m’a offert soudainement une nouvelle raison de lutter. Elle était pleine d’innocence, d’espoir et je ne voulais pas voir s’éteindre cette lueur dans ses yeux. Ne plus être seul m’a donné envie de me battre, de la protéger… Je me souviens parfaitement de sa robe jaune qui se mariait à merveille ses cheveux, de son regard noisette qui réalisait petit à petit ce qui se tramait. Nous étions chacun le point d’ancrage à la réalité, à la vie. Si je suis vivant aujourd’hui c’est grâce à elle, c’est pour elle.
J’ose lever la tête et me rends compte que Malik boit mes paroles. Il me fixe comprenant soudainement toute l’étendue de mes sentiments pour Constance. Il comprend pourquoi j’ai sombré il y a plus de trois ans. J’avais déjà parlé d’elle avec lui. J’avais été factuel, c’était plus simple, or là, je venais de lui livrer ce qui marque le début de notre histoire, les raisons de mon attachement pour elle.
– Je sais que tu as déjà essayé, mais je peux demander à Soraya de refaire une recherche.
Je n’ai pas envie qu’il implique sa sœur là-dedans, surtout quand on sait qu’il a voulu nous caser ensemble avant d’apprendre qu’elle était en couple depuis plusieurs mois avec une certaine Nathalie. J’avoue avoir beaucoup ri après cette découverte, contrairement à lui qui ne s’y attendait pas. À dire vrai, je ne veux parler de Constance à personne. Tous ceux qui connaissent mon passé savent le sien. Nos vies sont entremêlées, notre cauchemar commun est su de tous. Alors oui, certains détails, certaines actions je veux les taire. Je veux garder cette femme comme un précieux secret qui n’appartient qu’à moi. Cet unique moment que personne ne peut nous voler, pas même ce monstre.
– Non Malik, Constance n’existe plus. Et demain, j’irai mieux. Ce soir, je veux juste que tu sois là pour moi pour ne pas que je dérape. Je connais mes démons et j’ai peur.
Nous passons donc la soirée à échanger sur nos boulots respectifs. En dehors de la salle de sport et de l’association d’aide, Malik tient un petit garage. À chaque épreuve, chacun trouve sa façon de se battre, de surmonter l’obstacle et de réussir. Se noyer dans les activités a été pour lui sa bouée de sauvetage.
– Toujours avec ta Justine ?
Je me marre. Il y a un an, elle était persuadée que je voyais quelqu’un d’autre, elle m’avait suivi et m’avait trouvé avec Malik en pleine séance d’entraînement de judo. Depuis il me taquine sur ma relation avec elle, pour lui c’est étrange d’être avec une fille depuis si longtemps et de ne pas être en couple. Seulement je ne peux pas, mon cœur est déjà pris. Justine le sait et je crois d’ailleurs qu’elle aussi cache un amour qu’elle n’ose avouer. Elle m’en a confié quelques détails lors d’une soirée trop arrosée, mais je n’ai jamais osé remettre le sujet sur le tapis.
– Toujours… Mais j’ai été con aujourd’hui avec elle. Elle a voulu en savoir plus sur elle et j’ai craqué. Je l’ai mis à la porte de chez moi comme une malpropre. J’étais si en colère que je n’ai pas su me maîtriser, c’était plus fo — .
– Tu l’as pas frappé ?
–  Je ne suis plus cet homme, grâce à toi. Et lever la main sur une fille, tu devrais savoir que je ne le ferai jamais.
Je prends pleinement conscience de l’homme que j’avais fini par être. Autant dire qu’une thérapie de quelques séances n’avait pas suffi pour un être humain qui avait connu l’enfer sur terre. Tortures, violences répétées, hospitalisations, tapage médiatique, procédure judiciaire, retour à la réalité, déchéance, dépendance et encore il ne s’agit qu’une liste de faits…

N'enferme pas nos coeursWhere stories live. Discover now