Partie 04

19 2 0
                                    

Un matin, il eut une étrange sensation d'insécurité. Il se sentait suivi et espionné. A chacun de ses pas, il se retournait comme s'il sentait une présence dans son dos mais, à chaque fois, il n'y avait rien. Mais Théaros savait qu'il n'était pas fou et qu'il y avait bel et bien quelqu'un qui le suivait, qui le traquait. Le soleil était à son zénith quand il ne put se retenir. Il était dans un endroit dégagé, la forêt dans son dos, les plaines devant lui. Il fit d'un seul coup volteface en criant : « Que me voulez-vous et qui êtes-vous ?» Sa voix fit comme un écho sous les arbres et des oiseaux prirent leur envol. Rien. Le Prince se remit en route vers les plaines quand il entendit comme un bruit de chute dans son dos. Il refit volteface. Un Humain, non, une Humaine se tenait droite, bandant un arc. Ses longs cheveux châtain foncé lui tombaient en cascade dans le dos, agités par le vent. Son visage était ferme, déterminé et ses yeux d'un bleu cobalt. Elle était habillée d'une cuirasse noire. Théaros resta stupéfait. Il regarda longuement la flèche pointée vers son cœur et ce visage si déterminé. En faisant un mouvement las avec les mains, il dit : « Si ma fin doit se jouer ainsi, ayez au moins l'obligeance de me donner le nom de celle qui va me donner la mort pour que mon repos soit serein.

— N'allez-vous donc point vous défendre avec l'épée que vous avez dans votre dos ?

— Nos peuples sont en guerre malgré moi et je ne suis qu'un brin d'herbe balloté par le vent, impuissant. Si ma personne n'a aucune utilité dans ce monde bouleversé, je ne voie pas pourquoi je devrais rester en vie. Me donneriez-vous votre nom ?

— Je m'appelle Valerya. Et vous ?

— Théaros. »

Valerya baissa son arc vers le sol et fixa avec une nouvelle intensité le Centaure : « Théaros... » murmura-t-elle en l'examinant des sabots à la tête. Finalement, elle dit dans un souffle « Êtes-vous le Centaure qui a sauvé ma sœur ?

— Nellie, compris Théaros, vous êtes la sœur de Nellie. Vous faites partie de la famille royale. »

Valerya s'agenouilla doucement et posa son arc au sol. Puis, se relevant, toujours en fixant dans les yeux le jeune Centaure : « Je ne peux vous tuer, Théaros. Vous avez sauvé ma sœur. Je vous offre la vie... pour cette fois. »

La Princesse Humaine tourna le dos à Théaros et s'éloigna, le Centaure ne put s'empêcher de l'interpeller : « Comment va votre sœur, Nellie? » Valerya se stoppa net, tremblante. Théaros avait peur de la réponse qu'elle allait lui donner. Elle pivota lentement sur ses talons, les yeux pleins de larmes : « Des Centaures sont venus là tuer alors qu'elle jouait dans le jardin de notre père.

— Non...

— Je crois... Je crois que cet objet est à vous. »

Valerya, s'approcha de Théaros, détacha de son cou la petite corne de brume que le Centaure avait offert à l'enfant. Elle le déposa délicatement dans la main de Théaros et ce dernier dit à mi-voix : « Je suis désolé. » Ses oreilles pointues s'étaient abaissées sur sa tête.

Soudain, Théaros leva vivement la tête : « Qui a-t-il? » s'affola l'Humaine qui n'avait pas une ouïe aussi développée que celle des Centaures. « Des Centaures... Vite, montez sur mon dos! » s'empressa Théaros. Inquiète, Valerya sauta sur le dos du Centaure qui prit aussi tôt le galop en direction de la forêt.

Théaros galopa à vive allure tandis que Valerya faisait de son mieux pour tenir sur son dos. Des Centaures les prirent en chasse, l'arme au poing, et le Prince dut ruser pour se défaire d'eux. Finalement, il sauta de côté dans un dénivelé du terrain qui le dissimula aux yeux de ses poursuivants.

Quand ils furent hors de danger, Valerya sauta à terre en le remerciant. Puis, intriguée, elle demanda : « Est-ce de vos amis ?

— Dans ces temps si sombres, je ne sais plus qui sont mes amis et mes ennemis.

— Nous sommes dans le même cas, chez les Humains.

— Pourquoi nous haïssons-nous ?

— Car nous avons peur de ce que nous ne connaissons pas et l'inconnu est une possible menace.

— Pourquoi avoir tenté de me tuer ?

— Je voulais venger ma sœur.

— La vengeance n'aide en rien. Ton peuple à assassiné mon jeune frère.

— Ne veut tu pas le venger ? S'étonna Valerya.

— A quoi cela servira-t-il, si ce n'est à envenimer la situation? Je veux être au-dessus des agissements des miens, je veux régler ce problème pacifiquement.

— Tu à un beau rêve, Théaros; Mais ce n'est qu'un rêve.

— Certains rêves se réalisent, Valerya. Il suffit de les rêver assez fort et de s'en donner les moyens.

— Il faudrait que nos peuples soient guidés...

— Soyons les guides de nos peuples ! Soyons l'exemple ! Menons-les à la paix.

— Tu es fou.

— Pourquoi dis-tu cela ? Parce-que je vois le monde autrement que tous les autres ? »

Valerya baissa les yeux au sol, presque honteuse : « Le seul moyen de rester en vie, commença-t-elle, s'est d'aller dans le sens des autres. Tu as de belles intentions, Théaros, de beaux rêves et je te remercie d'avoir aidé ma petite sœur. Mais je suis désolée, bien que mon cœur en soufre, je ne peux pas partager ton rêve. Je dois y aller. J'espère que nos chemins ne se recroiseront pas car je serais obligée de te tuer. Bonne chance ! »

Valerya s'éloigna en courant, sautant au-dessus des buissons. Théaros cria : « Est-ce donc ça, la grande sœur de Nellie? Cette fillette avait plus de courage que toi, Valerya! » La Princesse Humaine se figea sur place et Théaros eut l'espoir qu'elle se retourne vers lui. Elle reste ainsi quelques minutes puis reprit sa marche, s'éloignant de lui.

Théaros et Valerya (histoire courte - 5603 mots)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant