Chapitre 3

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- La peur tout simplement, dit timidement Enguerrand. Je me suis caché chez moi et j'ai eu très peur. Je n'étais pas sur de ce que j'avais ressenti, il fallait que je me calme et que je retrace le fil des évènements dans ma tête lieutenant. C'était d'une violence incroyable. Mille choses me sont passées par la tête, si vous voyez ce que je veux dire.

Axel tapotait les réponses avec deux doigts sur son ordinateur. « Expliquez moi comment l'agresseur de madame Grandain ne vous a pas repéré ? »

- Chaque soir lorsque j'attends Bertrand, mon chauffeur, dans le deuxième sous sol, je me positionne toujours au même endroit. C'est à dire derrière le deuxième pylône. Ils sont en forme de croix. Pour me voir il aurait fallu qu'il arrive par la sortie véhicules. Chance pour moi, il est arrivé par les escaliers, ceux juste à coté des ascenseurs.

Enguerrand toussa plusieurs fois. Son visage s'empourpra. « Pourrais-je avoir un verre d'eau s'il vous plaît ? »

- Certainement. Axel composa le numéro du bureau d'à coté. « Lucie, peux tu me ramener une bouteille d'eau et un verre s'il te plaît ? Merci.

- Je suis désolé, j'ai du avaler de travers, s'excusa Enguerrand en raclant sa gorge de toussotements polis.

- Ce n'est rien. Ce n'est pas facile de faire remonter tous ces souvenirs à la surface. Prenez votre temps. Axel scanna rapidement les tiroirs de son bureau, espérant trouver n'importe quoi qui puisse le soulager. En vain. Lucie arriva avec une grande bouteille d'eau minérale ainsi qu'un verre de cantine. Les mêmes verres qui servent aux collégiens pour définir celui qui va être de corvée d'eau, grâce au numéro inscrit au fond.

- Tenez monsieur De Marilly, dit soudainement Lucie, votre verre d'eau. Il tâtonna à peine pour l'attraper et l'avala d'une traite.

- Je vous remercie. On peut reprendre si vous le voulez.

Axel profita de l'occasion pour solliciter à nouveau Lucie. « Je veux bien que tu prennes ma place à l'ordi, si ça ne te dérange pas. Je commence à fatiguer. Je ne voudrais pas être obligé de recommencer. » Lucie obtempéra sans un mot, Axel pris une nouvelle chaise qu'il installa à côté du témoin. Il prit le temps de s'asseoir, s'avança légèrement, chaque doigt posé sur son homologue, symétriquement.

- Pouvez vous nous décrire maintenant ce que vous avez vu, ou plus précisément ressenti, lorsque vous étiez caché derrière le pylône, monsieur De Marilly ? Je voudrais que vous preniez votre temps pour être sûr de ne rien oublier, Chaque indice est important.

Enguerrand De Marilly se redressa légèrement, prit quelques secondes avant de commencer.

- Ce 11 janvier, j'ai terminé ma journée à 21h45 après avoir massé monsieur Ledentec. Le temps de rassembler mon matériel, de me laver les mains, je suis descendu dans le sous sol à 22h05 après avoir téléphoné à mon chauffeur. Je me souviens très bien que Bertrand, mon chauffeur n'était pas disponible de suite. Il m'a demandé de patienter jusqu'à 22h30. J'aurais pu reprendre l'ascenseur pour remonter au chaud, mais fatigué, j'ai préféré patienter en écoutant la symphonie numéro deux en mi mineur de Rachmaninov...

- J'adore Rachmaninov ! coupa Lucie en continuant de faire jouer habillement ses doigts sur le clavier.

- Le troisième mouvement est un délice si je peux me permettre répondit Enguerrand, avec une pointe d'intérêt pour la fonctionnaire.

- Si cela ne vous dérange pas, on reparlera musique plus tard, s'agaça Axel qui regardait les minutes s'égrener sur la pendule au dessus de la porte. Restons concentrés sur la soirée du 11 janvier.

- Excusez moi, je m'égare. Enguerrand reprit son souffle. Je n'écoute pas fort la musique de sorte d'entendre quand la porte du garage s'ouvre. Immédiatement après avoir mis mes écouteurs, j'ai entendu la porte de l'ascenseur s'ouvrir. C'était madame Grandain. Je la reconnaît facilement car elle finit souvent tard le soir, se dirige immédiatement sur la gauche du parking ou une place est réservée à son véhicule. Elle porte quasiment quotidiennement des talons aiguilles et un tailleur serré pour, j'imagine être à la hauteur de la fonction qu'elle occupe dans l'entreprise, mais aussi pour gagner quelques centimètres. Dites moi si je me trompe lieutenant, mais je pense avoir vu juste ?

- Effectivement, vous avez raison. Madame Grandain mesurait 1m60, et d'après le rapport que j'ai sous les yeux, Axel fouilla rapidement dans le dossier pour trouver la photo du cadavre, elle portait un tailleur gris souris et des chaussures à talons aiguilles. Elle occupait le poste de directrice générale adjointe depuis 6 ans. Axel lisait entre les lignes à haute voix.

Avez vous eu un contact avec elle, ce soir là ?

- D'ordinaire, je reste silencieux. Et ce pour plusieurs raisons. Je ne veux effrayer personne, surtout quand il est tard, et je ne suis pas un salarié de l'entreprise. J'y suis depuis suffisamment longtemps pour avoir quelques habitudes, reconnaître certaines personnes qui gravitent autour de moi, mais pas pour engager une conversation. On entendait les touches du clavier se presser sous les doigts agiles de Lucie. Axel, la main sur le menton fixait les lunettes noires de l'homme blond. Il acquiesçait.


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