06 : l'onigiri aux légumes

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Ça fait maintenant quatre jours consécutifs que je viens au jardin, mais il n'y a aucune trace de Marilyn. Mardi dernier, je lui ai apporté un onigiri aux légumes, en me disant qu'elle l'aimerait forcément, mais il n'y avait personne. J'ai attendu presque une heure, pensant qu'elle était peut-être partie aux toilettes ou en pause, mais rien. J'ai fini par manger l'onigiri et je suis partie. Pourtant, elle me prévient toujours quand elle change d'horaires ou qu'elle ne compte pas venir, à cause de la météo par exemple. 

Je suis revenue le jour suivant, toujours personne. Pourtant, il y avait un grand soleil et c'était à treize heures ; elle est toujours là habituellement. 

J'étais là aussi le lendemain, et le surlendemain. J'ai laissé des mots, des petits gâteaux, des indices et même mon numéro de téléphone. Mais ils ne  bougeaient pas, ou je les retrouve envolés dans un coin du jardin. Ce soir, après les cours, je suis là, sur le vieux banc en bois qui grince, seule. J'ignore si j'ai fait quelque chose de mal, j'ai pourtant rejoué toutes les dernières scènes en boucle dans ma tête, mais je ne comprends pas pourquoi Marilyn est partie comme ça, sans rien dire. 

Je m'inquiète vraiment pour elle. Si ça se trouve, elle est malade, elle a peut-être eu un accident ou elle est à l'hôpital, ou pire ... Et je n'ai aucun moyen de la contacter. J'aurais dû y penser avant, quelle idiote. Marilyn me manque vraiment, j'ai peur pour elle. 

D'ailleurs, je voulais lui annoncer que Samuel m'avait laissé tranquille ces derniers jours, sans doute grâce à ses conseils. J'ai envie de lui raconter mes journées et qu'elle me parle de plantes sans cesse. J'ai l'impression qu'elle n'a jamais existé. Et le jardin est si triste sans elle, il est sans vie. J'ai essayé d'arroser les fleurs qui commençaient à s'assécher en essayant de me souvenir de ses explications. Mais je ne sais même pas quels légumes récolter ni où les mettre. Je ne sais pas trop quoi faire et je n'ai jamais eu la main verte. Au moins, j'aurais essayé. Je n'ai pas envie qu'elle pense que je m'en fichais, car c'est tout le contraire. Je sais qu'elle tient beaucoup au jardin et moi, je tiens beaucoup à elle.

Soudain, j'entends des rires dans le couloir, des rires que je ne connais que trop bien. C'est Samuel et sa bande, mais pourquoi traînent-ils dans le coin ? Les gens viennent rarement dans cette partie du lycée. Je m'approche de la porte fermée et j'entends un peu leur conversation au travers, jusqu'à ce que je reconnaisse mon prénom. 

Sans réfléchir, j'ouvre la porte et tombe nez à nez avec ceux dont j'espérais ne plus entendre parler. 

_ Oh, quand on parle du loup ! s'écrie Samuel avec son air d'abruti. Vicky, ça faisait longtemps. 
_ Qu'est-ce que vous foutez ici ? ai-je lancé en fermant la porte derrière moi, par réflexe à présent. 
_ On se promène, c'est tout. On n'a pas le droit non plus ? se moque l'un d'entre eux. Tu vas appeler le proviseur pour balancer, c'est ça ? 
_ Et toi, qu'est-ce que tu fais ici ? demande un autre. 
_ Mais je sais, elle vient voir sa petite jardinière préférée ! 
_ Ah oui, la petite blonde pleurnicheuse qui vient s'occuper des petites fraises ? Très bonnes fraises, d'ailleurs. 
_ La pauvre, elle pleurait comme une gamine et elle a même pas su se défendre, rit Samuel à gorge déployée. T'aurais dû voir ça, Vicky !

C'est pas vrai ... C'est là que j'ai tout compris, c'est pour ça que Marilyn ne vient plus, à cause de cette bande de cons qui ne veulent que du mal aux gens. Cette fois, ça fait déborder le vase. Ils peuvent s'en prendre à moi tant qu'ils veulent, mais surtout pas à Marilyn qui n'a rien demandé. 

Je ne peux plus les supporter, alors je m'en vais en courant. Puis je m'arrête brusquement en les entendant se moquer (c'est tout ce qu'ils savent faire). Je fais demi-tour et j'envoie un énorme coup de poing dans le nez de Samuel. Qu'est-ce que ça fait du bien ! Il a crié et j'en ai eu mal à la main, mais j'espère sincèrement qu'il a eu mal aussi. Quand je suis partie, il se tenait le nez entre ses deux mains, et ses abrutis de potes n'avaient plus le même discours. Je suis fière de moi pour cette action, mais on ne peut plus en rage contre eux. La prochaine fois que je les revois, je compte faire la même chose à chacun d'entre eux sans exception, et avec une batte de baseball. Si possible transpercée de clous rouillés. Ils ne méritent que ça.

le blond jasminWhere stories live. Discover now