Chapitre 9

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Chapitre 9 ~ Questions existentielles

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Assise sur ma moto, j'observe la mer, ou plutôt, j'observe les vagues qui reviennent s'échouer sur le sable blanc.

Trois jours que je suis partie de chez moi en prenant simplement mon portable et mon portefeuille.
Trois jours que je roule en direction du sud du Japon, dormant dans des gîtes et faisant le plein dès que possible.

Je regarde l'heure. 16h47. Les autres doivent être en cours de mathématiques à l'heure qu'il est. Je me demande comment ils ont réagi en voyant que je venais pas. Ou quand Itona leur a dit que j'étais partie. L'a-t-il dit au moins ? Ou s'est-il contenté de hausser les épaules ?

En sauvant Itona, je pensais qu'il resterait avec moi, mais mon attitude distante à l'égard de tout le monde l'a simplement éloigné de moi.

- Suis-je un monstre ?

Cette question est portée par le vent et les mots se perdent dans les dunes au loin.

Je pense que je suis un monstre. J'ai tué tant de personnes que je ne me souviens plus du nombre exact. Des enfants, des adolescents, des adultes, des vieux, toutes les catégories d'âge y sont passées. Sauf les bébés. C'était la seule catégorie où je me refusais de tuer. Parce qu'ils sont l'avenir, j'ai refusé de m'attaquer à des bébés sans défense.
Ça ne réduit pas ma peine pour autant. Je suis un monstre. Un monstre blanc qui possède des tentacules.

- Tiens... le soleil se couche...

J'observe ce spectacle flamboyant. Les premières étoiles apparaissent doucement tandis que l'horizon se teinte de rouge et d'orange.

Le rouge... une couleur maudite...
Signe du sang et de la mort à mes yeux, elle m'a dégoûtée de toutes les couleurs. Sauf du blanc. Le blanc pur. Blanc neige. Blanc innocent.
D'où mon nom et la couleur de tout ce que je possède. Comme une tentative pour me prouver que je ne suis pas un monstre. Sans succès.

- Je devrais rentrer...

?- En effet, tu devrais.

Je me retourne en souriant tristement après avoir sursauté.

- Koro-senseï... Comment m'avez-vous retrouvée ?

Koro- Grâce à Itona et Ritsu. Ils t'ont géolocalisée. Et Kayano s'est rappelé que tu aimais les plages, ça nous a aidé pour les recherches. Et Nakamura et Kurahashi se sont rappelées de toutes les missions que tu avais faites dans le sud du pays.

- Je vois... Ils sont malins.

Koro- Ils ont fait ça parce que tu es leur camarade. Et leur amie.

Je regarde l'horizon en remettant une mèche de cheveux derrière mon oreille.

- Senseï, suis-je un monstre ?

Koro- Pas du tout. Tu avais cinq ans quand tu es devenue une assassin. Si tu n'avais pas fait ce choix, je pense que tu n'aurais pas pu vivre jusqu'ici.

- Lovro ?

Koro- Lovro.

- Il n'a jamais su tenir sa langue quand ça me concernait...

Koro-senseï ricane et me regarde, son éternel sourire sur son visage de smiley. Je le regarde quelques secondes, puis repose mon regard doré sur la mer, tandis que la nuit tombe et que le croissant de lune apparait. Je soupire et regarde mon professeur.

- Vous sauriez me ramener chez moi avec ma moto ?

Koro- Bien sûr !

Aussitôt dit, aussitôt fait. Il m'attrape avec ses tentacules et prend ma moto. Je ferme les yeux lorsqu'il décolle. Quelques minutes plus tard, il me dit que je peux rouvrir les yeux.
Je suis devant chez moi, ma moto à côté de moi, et Koro-senseï se trouve derrière moi.

- Merci, senseï...

Koro- Blanche, ne t'enfuis plus à l'avenir si tu as des problèmes. Je suis ton professeur et je serais là pour te conseiller. Et puis, la classe E sera toujours là pour toi.

- Je sais.

Koro- Mais tu as du mal à en être convaincue, n'est-ce pas ?

- "Méfie toi de tout et de tout le monde." C'est la phrase qu'on m'a répétée pendant cinq ans. J'ai toujours suivie cette règle, mais je pense... je pense qu'il est temps que je l'abandonne. Que je vive comme je l'entends, sans suivre des règles aussi contraignantes.

Koro- Vas-y à ton rythme. Rien ne presse. Tu es jeune, tu as le droit de faire des erreurs.

Je hoche doucement la tête et Koro-senseï s'en va. J'ouvre mon garage et range ma moto avant de rentrer dans la maison.

J'allume la lumière et sursaute en voyant ma classe. Kayano, Kurahashi et Nakamura me foncent dans les bras. Karma et Nagisa sourient, et le rouge vient m'ébouriffer les cheveux.

- Pourquoi vous êtes tous là..?

Itona- C'est moi qui les ai appelés.

Je regarde Itona qui serre les poings, le regard rivé vers le sol. Il tremble, essayant de contenir sa colère. Des larmes apparaissent et remplissent mes yeux, puis dévalent mes joues.
Isogai fait signe aux autres d'aller dans le salon.

Une fois tout le monde dans le salon, je me retrouve seule dans la cuisine avec Itona qui fixe le sol. Il relève son visage et ses yeux sont remplis de larmes.

- Itona...

Itona- Tu m'as abandonné. Tu m'as laissé tout seul. Je croyais... je croyais que j'étais important pour toi... au moins un peu... Mais non, t'es partie, comme si t'allais jamais revenir... Blanche, j'ai crû te perdre. J'ai crû perdre ma première amie... Bordel, pourquoi t'es partie ?!

Je le regarde en secouant la tête et m'avance. Il ne recule pas et je le prends dans mes bras, il se laisse faire. Itona cache sa tête dans mon cou et s'accroche à moi. Je pleure et le serre contre moi. Il pleure aussi.
Je tremble et Itona m'empêche de tomber à terre.

Je sens une main me caresser les cheveux. C'est Itona. Combien de temps sommes-nous restés ainsi, accrochés l'un à l'autre ? Des heures ou des minutes. Mais ça me semble être des jours.

Il m'emmène dans ma chambre et m'aide à m'allonger. Les autres sont partis depuis longtemps.
Itona m'enlève ma veste et mes chaussures. Puis il s'allonge à côté de moi et me prend dans ses bras. Je ferme les yeux et me cache dans son cou pour m'endormir, tandis qu'il me caresse les cheveux et s'endort à son tour.

Oui, je suis un monstre. Mais je sais que mes camarades de classe et mes amis comprendront. Parce que l'assassinat, ça les connait. Vu que c'est devenu leur quotidien.

Blanche || AcWhere stories live. Discover now