Fraichement décédée, ...

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... Elle passe ses journées à faire des blagues à ses voisins. Ça tourne mal.

J'étais morte. Cruellement et diablement morte. Comment ? Oh, vous savez... Une bagatelle : j'avais entrepris de me lisser les cheveux en plein orage. Un vieux lisseur au câble un peu à vif, un éclair qui a fracassé mon antenne parabolique et PAF, arrêt cardiaque, vue aérienne sur mon corps intérieurement carbonisé.

Une chose était sûre : j'étais partie en beauté. J'avais eu le temps de m'occuper des deux côtés.

Mais bref, ce n'est pas là l'histoire que je voulais vous raconter. Les longues journées à attendre qu'une personne daigne passer à mon appartement pour me saluer ont été particulièrement traumatisantes. Encore plus que ce soit les asticots et mon odeur, apparemment pestilentielle, qui ait alertés mes voisins. Pas un manque de ma personne, non. Pff, je préfère ne pas en parler. J'essayais simplement de poser quelques bases.

Enfin... Si vous vous posez la question. Oui, je l'avais très mal pris. Je ne pouvais pas sentir si mauvais. Et non, je n'avais toujours pas digéré le temps d'attente.

Moi ? Rancunière ? Pas vraiment. J'avais seulement décidé d'hanter l'immeuble.

Excessive ? Est-ce vous qui avez observé votre corps se décomposer, les asticots y grouiller ? Et j'avais dit que je ne voulais plus en parler !

Laissez-moi en venir à mon histoire, maintenant.

J'avais peut-être fait une petite bêtise.

Ce n'était pas de ma faute, bien entendu. Comment aurais-je pu savoir qu'elle allait glisser, paniquée devant le petit message que j'avais dégagé sur son miroir embué ?

Était-ce une manière de critiquer mes talents d'artistes ? Je n'avais jamais aimé écrire. Une petite tête de chat était donc apparue du bout de mes doigts inexistants. Pour plus de réalisme, ma voix avait raisonné dans la petite salle de bain humide. J'aurais pu recevoir un Oscar pour ce miaulement. La preuve : le robinet d'eau chaude s'était refermé et une première jambe était sortie de la douche. Ses yeux écarquillés avaient fini par se poser sur le miroir. « Pathou ? C'est toi ? »

J'avais oublié qu'elle avait eu un chat et que ce dernier était mort peu avant moi. Ou peut-être pas.

J'avais miaulé une deuxième fois – histoire de lui répondre, pure politesse – et elle avait commencé à avoir du mal à respirer, avait fait quelques pas en arrière, glissé. Son crâne s'était percuté contre la vanne de réglage du radiateur. Une flaque de sang, dilué par l'humidité ambiante, s'était rapidement répondue.

Les salles de bain sont des endroits dangereux.

Mais le pire dans tout ça, c'est que cette voisine que je n'avais jamais réellement appréciée s'était incrustée avec moi, dans la mort, unique endroit où je pouvais être un semblant tranquille. Puis elle chouinait pathétiquement, trop proche de moi. Sans parler de son copain, qui chouinait également, déjà penché sur la dépouille encore fraiche alors qu'il avait fallu six jours pour qu'on envoie des types des pompes funèbres s'occuper de la mienne. Six jours !

Je suis sûre qu'ils chouineront tous à son enterrement. Aucune larme, aucun sanglot, n'avait été versé au mien. Le prêtre, unique personne présente, s'était contenté de réciter la messe.

RecueilWhere stories live. Discover now