Stewball

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« Il s'appelait Stewball. »

Un coup de feu retentit, l'assaut était lancé.

« C'était un cheval blanc. »

Je n'avais d'autre choix que de sortir de la tranchée. Si je ne le faisais pas, ce serait mon propre camp qui m'abattrait. Je le savais. C'était comme ça que le soldat Peeters était mort. Je me souvenais encore l'avoir vu tomber, une balle perforait son crâne.

« Il était mon idole. »

Mes jambes tremblaient au moment de monter l'échelle. J'avais peur. Je n'avais qu'une vingtaine d'année, la vie était devant moi et, pourtant, on me l'avait déjà retirée.

« Et moi, j'avais dix ans. »

La boue, les rats, le froid. Rien ne nous épargnait. Un matin, je m'étais réveillé avec un orteil en moins. Je regrettais de m'être engagé. Enfin, comme si j'avais eu le choix. Ma patrie m'avait bercé de belles paroles, m'enrôlant de force avec des notions de devoir, de patriotisme et de vengeance.

« Notre pauvre père, pour acheter ce pure sang, »

Ma famille était pauvre, sans argent. J'avais dû partir sous les pleurs de ma mère. Si j'étais resté, cela aurait fait de moi une bouche supplémentaire à nourrir. Je n'avais eu nulle autre endroit où aller.

« Avait mis dans l'affaire, jusqu'à son dernier franc. »

Je m'élançai au côté des autres soldats. Nous avions une centaines de mètres à parcourir pour atteindre nos opposants. Le terrain était miné, hérissé de barbelés. Je vis un homme marcher au mauvais endroit.

Il explosa.

« Je sais dis mon père, »

J'entendais les tires ennemis, au loin. Tandis que je me rapprochais, j'apercevais parfois leur visage, aussi sale que le mien, dépasser des sacs de sables pour nous viser de leur fusil.

« Que Stewball va gagner. »

J'essayais de faire de même. Cependant, c'était difficile. J'éprouvais déjà des difficultés à avancer. Il avait plu hier, toute la semaine, en réalité. Je m'enlisais dans ce sol détrempé.

Je passai dans une flaque, éclaboussant les alentours de mes pas lourds. L'eau s'infiltra dans mes bottes, inonda mes chaussettes.

« Mais après la rivière, »

J'étais déjà fatigué. La tranchée adverse me paraissait si loin, si proche. J'avais peur.

Je posai mon pied au mauvais endroit. Une détonation. Trou noir.

« Stewball est tombé. »


Sous les premier, deuxième et cinquième couplets de la chanson Stewball de Hugues Aufray.

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Alors ? N'était-ce pas super joyeux ?  Aaaah, la guerre... Toujours une splendide idée !

Tchuss

RecueilWhere stories live. Discover now