Une Mamy, mais à qui ?

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Une histoire fleur bleue à ma manière.

***

Quand j'arrivai chez mes grands-parents, le vendredi soir après une dure semaine de guindailles, mon papy lisait tranquillement son journal dans la cuisine. Je me glissai furtivement derrière lui, je n'aimais pas faire de bruit. 

- Maël est déjà arrivé ? lui demandai-je en le serrant dans mes bras.

Peu surprise, sa tête se tourna vers moi, accompagnée de son corps qui se contorsionna souplement sur son tabouret, d'une façon qui aurait dû être impossible à son âge. 

- Il est à côté avec ta grand-mère. Il y a un match de tennis au poste. Qu'est-ce que tu veux boire ? Un gin ? 

Je souris et l'embrassa sur la joue avant qu'il ne se lève, signifiant mon accord tandis qu'il abandonnait le magazine de presse people qui tentait désespérément de l'occuper. 

- Tu ne leur diras rien ? 

Ses doigts vinrent verrouiller sa bouche avec une clé imaginaire et je partis vers le salon, m'arrêtant dans l'encadrement de la porte.

Chacun assis dans un fauteuil, ils étaient là, devant moi. Tous deux aux aguets, une masse blonde au sommet du crâne, l'une expliquait aux joueurs professionnels comment gagner et l'autre renchérissait, corrigeait parfois. 

Mamy et Maël trouvaient que je buvais de trop. Heureusement, ils étaient bien les seuls de cette famille d'alcoolique à le penser. Ma grand-mère était également d'avis que l'ensemble de mes cousins devraient se calmer avec la bière. Mais j'étais une petite-fille, pas un petit-fils. Ce n'est pas beau, une femme qui boit.

Mon copain ressemblait beaucoup à la mère de mon père, surtout dans les mimiques. C'était à se demander qui, de lui ou moi, était son petit-enfant.

Je me souvins du jour où je l'avais ramené pour la première fois. Je savais que ma famille allait l'adorer. J'étais néanmoins anxieuse, contenais la boule de stresse sous un sourire paisible. S'il était dans le même état que moi, lui non plus ne le montra pas. Maël paraissait toujours confiant, sûr de lui. Il était solide sur ses épaules. 

Leur joueur favori marqua un point. De mon coin, je les vis hocher vivement la tête, en parfaite synchronisation. Ils approuvaient, les yeux rivés sur l'écran pour ne rien manquer des futurs échanges. 

Évidemment, tontons, tatas, cousins, cousines, tout le monde avait de suite adopté Maël. En troisième année d'ingénieur civil à l'Université, il ne buvait pas, ne fumait rien et était végétarien. Et même si le premier et dernier point avaient d'abord surpris, Mamy lui avait rapidement préparé des assiettes à part. Désormais, il était en dernière, s'acharnait pour décroché un master dont j'avais encore oublié le nom. L'an prochain, il travaillerait sûrement à temps plein dans une bonne entreprise alors que je venais tout juste de me réorienter, de quitter l'unif pour devenir institutrice.

Maël était considéré comme un membre de la famille et même si elle l'avait caché, je l'avais un peu déçue. Fini la grande chercheuse en astrophysique, la future prof renommée, je préférais l'insouciance des enfants. Ils n'avaient pas vraiment compris. Je serais moins bien payée. Pourtant, mon grand-père l'avait été avant moi, et m'imaginer enseigner un jour dans la classe qu'il avait occupé avait un côté rassurant. 

Maël réussissait tout ce qu'il entreprenait, savait se montrer sérieux, était si sérieux, trop sérieux. Jamais il ne m'aurait abandonnée, mes grands-parents en étaient convaincus. J'aurais d'ailleurs été stupide de le faire moi-même. Il était si parfait. En plus, il jouait tennis.

Je sentis la présence rassurante de mon papy derrière moi. Je me retournai et il me donna mon verre qu'il accompagna d'un clin d'oeil. Nous restâmes ainsi un moment, à les regarder sans qu'ils nous perçoivent, obnubilés qu'ils étaient par le tournoie. Je bus une grande gorgée et, inconsciemment, ils m'accompagnèrent. Deux schweppes, c'était le début du week-end. 

Et ce beau spectacle m'arracha un triste sourire. Lequel des deux seraient le plus touché quand j'annoncerai que j'allais le quitter ?

Dans ma famille, on a un dicton : ne jamais s'attacher aux copains, copines. À tous moments, ils se retrouvent éjectés. 

RecueilOnde histórias criam vida. Descubra agora