"Chapitre 10"

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-Hitsute!!
hurle Elséïs, en arrivant à grande allure dans le village ; les paysans, les femmes, les enfants, tous sortent, l'air inébranlable. 
Pourtant, leurs prunelles éclatent d'un feu particulier, et leurs sourires courtois se teintent de colère, en remarquant le visage blanc de la jeune femme, le sang qui s'écoule de son corps et de sa monture. 

Hitsute apparaît, livide, mais également digne, prêt à l'écouter. 

D'une voix rendue forte par un chagrin macabre, elle prend donc la parole : 

-Prenez les sabres qui restent, vos fourches, dressez vous sur les chevaux de labour... Veinko Moto...

Sa voix se brisa, puis elle reprit 

-Veinko Moto a retenu l'armée ennemie, et cette terre fleurira des arbres de sang, son sang... 

Les arbres azurées fixèrent les pétales des cerisiers qui, une à une, douces et flétries, tombaient sur l'herbe sèche. 

Aussitôt tous se saisirent des premières armes venues, et une ligne désordonnée s'avança au-devant de la troupe ennemie. 
Diminuée, Elséïs ordonna l'arrêt, puis attendit. 
Elle, sur l'étalon plus obscur que la nuit, vit un homme s'avancer, humble et respectueux. Il tenait au-dessus de sa tête un sabre. 

Quand il fut à une distance suffisante, il s'inclina, puis prononça d'une voix forte, en fixant  la jeune femme 

-Madame...

La main lasse d'Elséïs saisit le katana, magnifique, qu'elle sait être celui de l'unique homme qu'elle aimera jamais. 

-Madame, votre valeur a été remarquée du Seigneur Senyo, et de toute l'armée. Il vous en témoigne un grand respect, ainsi que pour le Seigneur Veinko, et il ne peut que tenir compte du lien qui vous a uni...
C'est pourquoi il vous prie d'abandonner le village sans autre bataille. Aucun mal ne sera fait à ses habitants, quels qu'ils soient, car nul  besoin de faire couler davantage de sang. 

La guerrière sentait la vie s'échapper d'elle, littéralement. Ses yeux n'avaient pas quitté le sabre du samouraï durant le discours et ils revinrent avec une grande dureté à son interlocuteur

-Comment puis-je me fier à la parole d'un seigneur sans honneur, qui combat sans respect pour ses adversaires? 

Un murmure accueille la froide réponse. Soudain, les rangs se fendent, laissant place à un cavalier simplement vêtu, armé d'un sabre, sur une jument aux reflets argents. 

D'un galop lent et princier, l'homme s'approche d'Elséïs : elle pose ses doigts entachés de son propre sang sur le pommeau de son arme, mais l'homme sourit, repousse d'un geste son ambassadeur, puis pose son regard sur la jeune femme.

-Je regrette que cela se soit déroulé ainsi. Mais si vous souhaitez accomplir la volonté de votre Seigneur, un compromis semble adéquat. 

Rien d'obséquieux, rien de...

Un voile couvre les prunelles saphirs, Elséïs tombe comme une pierre sur le sol. 
Le Seigneur saute à bas de sa monture, soutient la tête de la jeune femme évanouie. Morte peut-être.

Une guerrièreWhere stories live. Discover now