BERSERKIR

2

Le cheval gris pommelé filait à toute allure. Les arbres de cette maudite forêt étaient trop rapprochés pour permettre une progression plus rapide. Pourtant il fallait absolument qu'elle rattrape le messager. Il était hors de question de le laisser s'échapper. S'il y parvenait, il pourrait lancer l'alerte auprès des dirigeants de la région. Elle ne préférait pas y penser et se pencha en avant pour accélérer l'allure et tenter d'intercepter le fuyard.

Tout à coup, elle vit apparaître une silhouette à cheval. Aucun doute possible, c'était lui. Elle éperonna son cheval et arriva à la hauteur de son ennemi. Sans réfléchir une seconde, elle se jeta sur le messager pour le désarçonner. Les chevaux continuèrent leur course au triple galop tandis que leurs cavaliers roulaient au sol.

Elle ne lâcha pas prise lorsque l'homme se releva prestement pour tenter de s'enfuir à nouveau. D'un coup de pied dans les genoux, elle brisa la rotule droite du fuyard. Alors que celui-ci hurlait de douleur, elle l'immobilisa au sol. C'est alors que le capuchon de son manteau tomba, dévoilant son vrai visage.

Elle était brune, ses cheveux ondulés avaient été coupés juste au-dessus de ses épaules. Quelques plumes étaient nouées dans sa chevelure de manière éparse.
Sa peau légèrement hâlée par le soleil donnait à son regard noisette une profondeur énigmatique.

Lorsque le fuyard vit les peintures de couleur ocre barrer le visage de la jeune femme en deux traits passant au-dessus du nez, il n'avait aucun doute sur quel genre de personne lui faisait face. Il cracha au sol comme pour conjurer un mauvais sort.
Aéryn avait pris l'habitude de voir ce genre de comportement. Elle n'y prêtait plus attention.

"- Sois maudite. Sorcière."

Elle s'amusa de l'air de dégoût que lui adressait l'homme qu'elle avait immobilisé. La jeune femme se pencha près de son oreille pour lui susurrer avec une fausse voix mielleuse :

"- Maudite, je le suis déjà par les gens de ton espèce. Sache que je peux ressentir ta peur. Tu pues la terreur. Vois comment tu trembles."

Du menton elle désigna les cuisses du fuyard qui ne cessaient de trembler. Celles-ci se contractaient de manière incontrôlable sous l'afflux d'adrénaline que produisait son corps. Il savait qu'il était en grave danger.

"Et pourtant, je ne suis qu'une maudite Daayan."

Elle posa sa main sur le front de sa victime et entama une mélopée funeste. Les yeux de l'homme se révulsèrent l'espace de quelques secondes. Son corps entier s'arqua de douleur. Aucun autre son qu'un atroce gargouillis ne parvint à passer ses lèvres. Il convulsa et sans avoir le temps de comprendre ce qu'il lui arrivait, l'homme fut transpercé par un énorme pieu de bois qui jaillit du sol. Mort sur le coup, les yeux exorbités d'incompréhension.

Impassible à la scène macabre qu'elle venait de provoquer, Aéryn inspecta le corps à la recherche d'un éventuel message qu'il aurait été chargé de transmettre. D'une des poches, elle en sorti une lettre cachetée. Elle en reconnu le sceau avec la huppe caractéristique du souverain Orri de Nimia. Elle n'avait aucun doute sur l'identité de l'auteur en voyant la couronne de plume distinctive de l'animal et son bec mince et allongé. Celui-ci tenait un rameau d'olivier.
Lorsqu'elle ouvrit la lettre, une bague avec un sceau identique en était tombée. Cette bague ne pouvait appartenir à personne d'autre que le roi Orri lui-même.

"Demandons l'aide de l'Institution. L'envoi de tout projet serait le bienvenu à Nimia dans les plus brefs délais. Compensation financière et militaire."

Les coordonnées précisées à la suite, situait clairement le champ de bataille qui avait eu lieu quelques heures plus tôt.

Qui était cette Institution à qui Orri voulait faire appel ?
Aéryn se contenta de replier le message et de le fourrer dans les pans de sa cape, elle n'avait plus le temps. Il fallait qu'elle rentre rapidement au campement, la nuit commençait à tomber. Chevaucher de nuit en territoire hostile pouvait s'avérer très dangereux, surtout si des renforts étaient en chemin.