v. les pilleuses

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           En haut de la colline où se perchait le ranch Lon-Lon, au cœur de la plaine d'Hyrule, une douce mélodie se mêlait au vent, et accompagnait les mouvements lourds d'un jeune homme. Connu pour élever les meilleurs chevaux du royaume, il s'occupait en ce moment même de ses écuries, et essuyait au revers du bras son front où perlaient quelques gouttes de sueur sous sa chevelure noire. Les quelques notes envolées étaient celles du chant de sa fiancée, une jolie femme rousse qui pansait une jument à ses côtés. Après quelques minutes, son regard aiguisé se déplaça au dehors, et elle se stoppa subitement.

– Talon. Regarde.

Le fermier, entendant l'inquiétude dans la voix de son épouse, posa son râteau contre l'amas de paille qu'il avait rassemblé. Reprenant son souffle, il approcha de la fenêtre, et, bien vite, ses épais sourcils noirs se froncèrent.

– Qu'est-ce que... dit sa compagne dans un murmure déconcerté.

Des fumées gris sombre s'élevaient à l'horizon, et s'amassaient en nuages denses. Un incendie, sans aucun doute. Mais il y avait plus préoccupant. Ces derniers dérivaient depuis l'ouest, ce qui était pour ainsi dire impensable : le feu avait pris l'impénétrable forêt kokiri.

– Mais qu'est-ce que... ? répéta le palefrenier, tout aussi hagard.

– Je prends un cheval. Il faut apporter de l'aide.

– Tu n'y penses pas, la reprit Talon immédiatement. Je ne veux pas qu'il t'arrive quoi que ce soit. À toi et au bébé.

L'écuyère s'était déjà levée, réactive comme la foudre. Mais les mots de son mari semblèrent entraver ses mouvements. Son regard bleu se baissa sur son propre ventre, et, pinçant ses lèvres sous l'effet de ce rapide dilemme, lâcha un court soupir d'impuissance. Elle se rassit, posant sa bouche sur son poing crispé, essayant vainement de percer le mystère de ce danger qui avait surgi sans prévenir. Les Kokiris étaient le peuple le plus pacifiste qui soit, en parfaite harmonie avec la nature. C'était l'endroit le plus improbable qui pouvait être pris par les flammes. De plus, ces habitants des bois avaient la particularité de ne jamais atteindre l'âge adulte. Leur apparence enfantine leur empêchait toute résistance à ce genre de menace.

Talon, qui regardait davantage l'air profondément anxieux de la future mère que les bois enveloppés de fumée, ne prit pas plus de quelques secondes pour se décider. Il attrapa une selle dans un coin de la salle, et, tout en se dirigeant vers le champ où leurs meilleurs chevaux paissaient, lança :

– J'y vais. Reste ici et ne tente rien.

Elle se tourna vers lui, l'angoisse la frappant avec une force plus vive. Avant qu'elle ne puisse dire quoi que ce soit, il ajouta :

– Je ne ferai rien d'inconscient. Je vais simplement leur apporter mon aide.

Son regard se posa sur une lance de fortune qui prenait la poussière. Elle leur servait à repousser les loups quand l'hiver les attirait auprès de leurs bêtes. Un pressentiment néfaste le poussa à la prendre, et, sous le regard azur de son épouse, il partit équiper un cheval le plus rapidement qu'il put.

Plus la forêt se rapprochait, plus le vent enfumé piquait les yeux sombres du palefrenier. Il n'était pas accoutumé à des situations d'une telle gravité, et ne pouvait réfréner une profonde appréhension, bien qu'il s'efforçait de garder son calme.

Il sauta de sa monture à l'orée du bois, et s'y engouffra sans laisser le temps à sa crainte de l'envahir. Sur son chemin, il releva un morceau de tissu pour couvrir le bas de son visage, puisque l'air devenait de plus en plus irrespirable. Évitant les premières branches enflammées, il aperçut au loin le petit tunnel qui marquait l'entrée du village Kokiri. Il s'arrêta devant, essayant de percevoir où étaient ses habitants. Mais avant que le moindre cri ne parvienne à ses oreilles, des silhouettes semblèrent émerger du nuage brûlant, et Talon ne se rendit compte que trop tard qu'elles étaient bien trop imposantes pour appartenir aux Kokiris.

𝙎𝙤𝙣𝙜 𝙤𝙛 𝙝𝙚𝙖𝙡𝙞𝙣𝙜 - 𝑧𝑒𝑙𝑑𝑎 𝑓𝑎𝑛𝑓𝑗𝑐𝑡𝑖𝑜𝑛Where stories live. Discover now