i. le peintre

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      « Chut, personne ne doit nous voir !

– D'accord, d'accord. »

Les chants rapides des criquets couvraient les murmures des deux enfants, qui se glissaient avec une agilité hors pair dans l'ombre des arbres qui longeaient le sentier. Dans la pénombre qui se levait, en ce crépuscule tardif d'été, leurs pas de velours étaient à peine perceptibles. Au bout du chemin boisé se tenait une petite masure, d'où s'échappait un filet de brume grise et une délicieuse odeur de bois fumé.

« À partir d'ici, plus de bruit. » marmonna le plus âgé, qui devait être tout au plus à l'aube de ses dix ans. Sa cadette, plus jeune, le toisa de ses prunelles écarlates avec un profond sérieux, puis acquiesça sans ajouter un mot. Comme des félins expérimentés, les apprentis ninjas, la capuche rabattue sur leur chevelure blanche, se rapprochaient prudemment de leur objectif.

« Mango ! » siffla la plus petite, quand son frère, sans regarder en arrière, commença à la distancer. Elle peinait de plus en plus à suivre le rythme, face à lui qui voltigeait si habilement entre les branches. Le concerné, une fois perché en hauteur, se retourna vivement vers sa sœur qui réitérait ses appels, l'index plaqué sur ses lèvres. La petite se tut à nouveau, vexée, mais céda à la curiosité de l'observation à laquelle il se livrait. Une large partie du toit de la demeure était découvert, permettant au feu de libérer sa fumée. C'était davantage un atelier à ciel ouvert qu'un foyer.

« Personne. » souffla Mango, à la fois soulagé et déçu. « Heureusement, parce qu'avec tes cris, il nous aurait repérés tout de suite, Kana.

– T'allais me laisser derrière. C'est pas gentil. »

Le petit sheikah ébouriffa les cheveux de sa sœur, un sourire aux lèvres. Il était fier d'elle, malgré ses petits caprices ; et surtout, ils avaient été assez rapides pour avoir la voie libre. À l'aide d'un grappin, peu élaboré mais suffisant pour leurs poids d'enfants, ils sautèrent sur le toit de chaume et atterrirent sans difficulté dans la salle déserte, leurs mirettes rouges brillant avec enthousiasme. Ils laissèrent tomber leur capuche, et se tapèrent dans les mains avec complicité : leur escapade était un succès.

L'atelier contenait un nombre incalculable d'objets, et coloraient la salle d'une myriade de teintes différentes. Des modelages de cire et de terre, des tableaux inachevés, des traces de pigments involontairement laissées sur les murs ; du parchemin tâché d'encre, des piles de brouillons malmenés, superposés sans la moindre logique ; enfin, un étalage d'instruments, notamment de flûtes et d'ocarinas, les seuls éléments à être dans un ordre impeccable.

« Il en a, du talent. » souffla Kana, sa main fébrile parcourant la tranche d'une toile en élaboration. Le roi d'Hyrule y était représenté, dans toute sa noblesse, vêtu d'une cape pourpre et d'une amure d'acier incrustée de joyaux. Les détails de la peinture, allant jusqu'aux mèches grisonnantes du régent et ses quelques rides au coin des yeux, lui donnaient un réalisme frappant.

« Tu crois que c'est pour sa Majesté ? demanda Mango, contemplant à son tour le portrait.

– Sans doute. Kharōn est un des Sheikahs les plus célèbres. Et ce genre de cadeaux ferait plaisir à la famille royale, non ?

– Oui. On a de la chance qu'ils nous accordent leur amitié. Si une guerre se déclare, on ne risque pas grand-chose aux côtés des Hyliens. »

La petite sheikah semblait un peu perplexe. La guerre était un mot dépourvu de sens, à ses yeux innocents. Elle n'aurait jamais pensé que ce tableau avait un autre motif que celui d'un gage d'amitié sincère.

« Tu veux dire que, euh, on pourrait ne plus s'entendre avec les Hyliens ?

– Hein ? Bien sûr que non, nos peuples sont alliés depuis des millénaires.

𝙎𝙤𝙣𝙜 𝙤𝙛 𝙝𝙚𝙖𝙡𝙞𝙣𝙜 - 𝑧𝑒𝑙𝑑𝑎 𝑓𝑎𝑛𝑓𝑗𝑐𝑡𝑖𝑜𝑛Where stories live. Discover now