ii. les stratèges

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       Des murs de pierre entouraient une salle souterraine. Nulle lumière du jour ne pouvait être entrevue : seules les flammes, dans leur faible lueur, y dansaient en silence. Au centre de la pièce, une grande table circulaire, autour de laquelle se tenait un cercle d'individus.

Six sheikahs, hommes et femmes. Leurs regards étaient tranchants comme l'acier, leur posture droite et parfaitement immobile. Leur présence était à peine perceptible. Ils étaient si effacés que les ombres semblaient avoir enveloppé leurs corps sculptés par le combat. Leur prestance était sans égale, et après tout cela n'avait rien de surprenant ; c'étaient l'élite du peuple, les plus grands guerriers de la tribu. Les Sept Stratèges.

« Des Gerudos se sont aventurées dans la Plaine, hier soir. » dit une femme, les mains sur les hanches, brisant la quiétude du lieu.

– Ce ne sont que des pilleuses. » répondit un vieil homme, dissimulé sous sa capuche grise. « Ne nous inquiétons pas pour rien.

– Mais c'est anormal qu'elles prennent de plus en plus d'initiatives. » ajouta une autre. « Il faut répondre à ces provocations.

– Elles ne représentent pas de grand danger pour le royaume.

– Et pour ses habitants ? Les paysans, les fermiers, qui n'ont jamais porté l'arme ?

– Eh bien...

– Attendons d'être au complet avant de débattre, non ? »

Celle qui avait pris la parole, grande de taille et sévère, n'était ni la plus vieille ni la plus impressionnante ; mais la sagesse même émanait de son regard pourpre. En face d'elle, en effet, se tenait une chaise vide. La voir délaissée était sans doute une habitude, car personne jusque là n'avait mentionné d'absence.

« Kharōn. » soupira le doyen dans son manteau gris sombre, profondément agacé. « Toujours lui. C'est à croire qu'il n'en a rien à faire, de ce conseil.

– Détrompez-vous. » se leva une voix masculine, jusqu'alors silencieuse. « S'il est absent, c'est sans aucun doute parce qu'il travaille au progrès de notre peuple.

– Défend-le autant que tu veux, Bongo Bongo. Pour moi, il n'a pas encore fait ses preuves. »

La tension qui s'était levée entre les dirigeants était palpable. Les réunions s'étaient multipliées dernièrement, et frôlaient le conflit d'un peu plus près à chaque fois. Bongo-Bongo, sous sa cape noire et écarlate, leva son regard borgne vers son aîné. Son œil unique était tout aussi défiant que les prunelles de son interlocuteur.

« Une telle exigence est malvenue, doyen Mo'Ryu. Si nous siégeons ici, c'est que notre peuple nous a reconnu comme dignes de ses rênes. Mais je ne vous apprends rien, bien sûr.

– Cessons ces querelles stériles. » siffla une femme vêtue de tissus argent, qui surplombait la table de sa grande taille. Les murmures agités se turent à contrecœur, mais la voix de la législatrice était aussi dure que le fer. « Comportez-vous comme votre rôle l'exige. Comment prétendez-vous servir le roi d'Hyrule ? »

Le silence s'installa à nouveau, et pesa un long moment. Certains, comme le faisaient souvent les ninjas en proie à de fortes émotions, avaient fermé les yeux pour ne pas croiser ceux de leurs voisins.

« Vous m'attendiez ? » dit soudainement une voix légère, qui contrastait avec l'atmosphère ambiante.

– Kharōn. » lâcha Mo'Ryu entre ses dents. « On ne t'espérait plus.

– Ça tombe bien, me voilà. » répondit le concerné, se jouant clairement de l'agacement de son aîné. Il ne frôlait l'irrespect qu'à peine. Sous son masque, le vétéran se tut, non sans émettre un petit raclement de gorge. La tension était un peu redescendue avec l'arrivée du dernier guerrier, qui figurait parmi les plus jeunes du conseil. Il prit place sur sa chaise vide, un sourire malicieux transparaissant sous le tissu noir qui couvrait le bas de son visage. Sa voisine, Nala'haru, leva les yeux au ciel en voyant ses mains tâchées de peinture.

𝙎𝙤𝙣𝙜 𝙤𝙛 𝙝𝙚𝙖𝙡𝙞𝙣𝙜 - 𝑧𝑒𝑙𝑑𝑎 𝑓𝑎𝑛𝑓𝑗𝑐𝑡𝑖𝑜𝑛Où les histoires vivent. Découvrez maintenant