Chapitre 33 : Brunch du dimanche

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Emalyne

— Bonjour, mamounette, je lance avec insolence à Victoria au moment de rentrer dans le salon de thé.

Ses yeux bleus, qui affichent l'exacte même expression sévère que ceux de Nicole quand j'ai fait une bêtise, me suivent jusqu'au comptoir où je dépose le tupperware de cookies au chocolat blanc que j'ai fait juste avant de venir.

— Ils sont encore chauds, je m'exclame, fière, en ouvrant le couvercle.

Victoria souffle.

— Merci, Emalyne, me gratifie mon géniteur.

Il balade ses doigts osseux et pointus au-dessus des gâteaux. Je n'hésite pas aussi longtemps que lui et saisis le premier qui passe pour le plonger dans la tasse de thé que Willy place sous mon nez.

Milo et Lincoln sont partis pour Cambridge vendredi soir, persuadés que j'allais passer tout mon week-end à réviser mes cours à la bibliothèque de la fac ou dans les divers cafés où j'ai mes habitudes. Ils n'ont rien suspecté de mes agissements. Sont-ils aveugles ou me font-ils trop confiance ? Par moment, lorsque Milo m'a enserré, m'a embrassé, m'a témoigné son affection, mon estomac s'est noué, me rappelant que je lui dissimule les pires horreurs. Puis, il est retourné vaquer à ses occupations et ma culpabilité s'en est allée avec lui. Comme par magie.

Je suis passée plusieurs fois dans la semaine et Victoria a eu vite fait de réaliser ma venue. Contrairement à Lilwan qui est ravie de m'étaler ses connaissances sur nos pouvoirs ou me parler de quelques grands auteurs référencés dans sa bibliothèque, Vicky ne me parle pas ou très peu. Elle ne sait que m'ordonner de ne pas revenir. Peine perdue, je suis encore là.

Willy dispose divers gâteaux sur le bar, rivalisant avec mes délicieux cookies. Le salon de thé est fermé ce dimanche matin, mais ça ne nous empêche pas de bruncher dans la bonne humeur. Je n'ai eu aucune nouvelle de Milo ou de ses amis depuis que je suis levée. Il m'a envoyé un message vers cinq heures du matin pour me souhaiter une bonne nuit. Je sais que ne risque pas qu'il me dérange avant le milieu de l'après-midi. Le morceau de gâteau aux carottes passe difficilement ma gorge, je m'en veux de penser ainsi à mon petit-ami, mais une gorgée de thé fait vite glisser le tout.

— Hmmm, tu sais, Emalyne...

Lilwan s'évertue à toujours prononcer mon prénom en entier alors que Vicky et Willy se sont habitués à "Ema".

— S'il y a un truc que tu as hérité de Damian, c'est bien son talent de cuisinier.

Je rougis à l'évocation de celui qui m'a élevée. Une aiguille vient sadiquement picoter mon cœur. Je pense à mes parents, à ceux qui ont toujours pris soin de moi, ceux qui m'ont éduqué et qui m'ont permis d'exprimer toutes mes passions... ceux, aussi, qui m'ont menti. Je me vois dans la jolie cuisine de notre manoir londonien, les mains dans la pâte à biscuits, guidée par mon père. Celui que je mâche perd sa saveur sous le goût amer de ma trahison.

— Elle avait aussi hérité de sa gentillesse et de son honnêteté, avant de passer une semaine avec toi, maugrée Victoria pour son compagnon.

Lilwan arque un sourcil.

— Beh tu avais qu'à épouser Damian, répond l'intéressé en croquant dans un cookie.

— Vous êtes mariés ? je m'empresse de demander pour changer de sujet.

Malgré la mine renfrognée de ma génitrice et la méfiance dont elle fait preuve envers Lilwan depuis que je suis entrée dans leur vie, tous les deux s'aiment inconditionnellement, je le sens. Si elle l'a suivi depuis toutes ces années plutôt que d'être auprès des siens, de sa fille, c'est simplement parce qu'elle est amoureuse de lui.

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