Chapitre 29 : La carte de visite

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Emalyne

Assise sur le banc qui borde l'arène d'entraînement, je gigote. Mes jambes tremblent et l'agacement crispe mes doigts sur la planche en bois. Le précepteur chargé de mon cours de maniement spectrale me tourne soigneusement le dos, alors que mes camarades, deux par deux, se balancent des nuages colorés à la figure. Ça les arrange bien que notre promotion forme un nombre impair, comme ça, aucun d'eux n'a à travailler avec moi.

Passé mon exploit au tournoi, ma frayeur lors du bizutage et mon examen avec Nicky, ils m'ont intégré à leur groupe comme rsi ien ne s'était produit. La première semaine, ils ont fait confiance au jugement du régent. Si leur chef de Guilde m'envoyait en cours sans contre-indication c'est qu'ils pouvaient se fier à moi. Cependant, après avoir perdu tous leurs duels face à moi et manqué de recevoir quelques amas gris en pleine poire, ils m'ont exclu et voilà une semaine que je cire le banc.

Je ne peux ni prendre part au cours, ni le quitter. Ma frustration est palpable. De temps à autre, le précepteur me jette une œillade soucieuse. Il doit percevoir le ressentiment que je nourris à son égard. Que mes jeunes camarades aient peur d'un pouvoir qui les dépasse et me dépasse, par la même occasion, je peux le comprendre, mais pas l'instructeur. C'est à lui de faire en sorte que nous progressions tous ensemble.

Les autres cours ne se passent pas si mal, mais c'est dans celui-là que j'ai besoin de m'entraîner, de jauger ma puissance, d'apprendre à la maîtriser pour en faire une force sur le terrain. Je me suis plaint à Milo après mon second cours mise de côté, qui s'est empressé de faire remonter l'information au régent. Malheureusement, mon crétin de professeur n'a rien voulu entendre, arguant que je risquais de libérer un spectre noir à tout moment, mettant ainsi tout Oxford en danger.

Je me pince les lèvres, moi c'est sur lui et uniquement lui que j'ai envie de lâcher un détraqueur, comme dirait Lincoln. Et ça me démange. Mes doigts me picotent. Je masse mes phalanges tout en regardant le bracelet à mon poignet qui n'est désormais plus qu'un enfilage de perles en plastique accompagnées d'un cookie en or. Nous avons conclu, Imogen, Nichlas et moi qu'il n'est pas nécessaire d'amplifier mes dons plus qu'ils ne le sont déjà.

Je soupire. Je suis un cas isolé à Oxford. Depuis Lilwan Dath, le fameux Voleur de couleurs sur qui j'ai réussi à glaner des informations ici et là, il n'y a pas eu d'Émotionneurs hors normes au Conservatoire Lysander Esinten. Et, cet individu semble les avoir profondément traumatisés, ce qui explique leur défiance à tous. Mais, je sais que je ne suis pas la seule sur Terre, ni dans le pays. Les gens avec des capacités comme les miennes sont rares et apparemment précieux, souvent envoyés dans des missions délicates. J'attends donc que l'un d'eux veuillent bien faire une halte dans la cité universitaire pour me promulguer quelques conseils.

Une masse noire, la silhouette d'un humain, apparaît dans ma vision périphérique. Elle grossit jusqu'à venir s'asseoir à côté de moi. Des bras puissants m'enlacent et des lèvres chaudes s'écrasent sur mon front. Aussitôt, mon aura passe de noir à rouge.

— Qu'est-ce que tu fais sur ce banc, ma Clochette ? demande Milo sur un ton qui feint la surprise.

... Comme s'il n'était pas au courant. Pour toute réponse, je souffle.

Milo jette un œil vers le groupe en train de contrer des nuages orangés. Ils font tous mine d'être concentrés sur leur exercice, mais leur attention a dévié vers nous. Et oui, parce que non seulement d'avoir des superpouvoirs, j'ai aussi un super petit-copain, de quoi m'attirer toutes les jalousies.

Il me tend sa main où se trouve une poignée de smarties, je pique dedans et grignote bruyamment.

— Hmmm ! trop bon ! fais-je par pure provocation pour ceux qui suent sur le ring.

La Guilde des ÉmotionsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant