CHAPITRE 13

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Vous savez, je n'arrive pas à vous en vouloir à vous. Peut-être que je me trompe, mais j'ai l'impression de pouvoir vous faire confiance. Vous avez une bonne aura, et croyez-moi j'en connais un rayon sur les auras. Je pense que je n'ai pas de quoi avoir peur de vous. Par contre j'ai peur de vos hommes. Ils sont barbares, j'ai l'impression qu'ils sont capables de tout pour obtenir nos territoires. Mais pourquoi veulent-ils des plaines telles qu'elles ?

Ils veulent tout. Toute l'Amérique, toutes les terres, les eaux, les montagnes, les airs, les animaux, les cultures. Ils ne veulent plus d'étrangers.

Étrangers ?! C'est comme ça que nous vous appelons ici !

Et c'est vous qui l'employez correctement puisque c'est vous qui vivez ici. Nous sommes les étrangers, mais que voulez-vous... les Européens sont persuadés que l'Amérique est la Terre promise.

Les qui ? Et la quoi ?

J'aime quand votre réaction est ainsi. Vous me semblez innocente, c'est mignon. La Terre promise. C'est le nom que la religion dominant l'Europe a donné à l'Amérique. Et les Européens sont ceux qui vivent en Europe.

Ah je comprends mieux maintenant. Donc vous, vous êtes européen ?

J'aimerais vous dire que oui, mais je vais encore compliquer l'histoire.

Par quel moyen ?

Je ne suis pas né en Europe, ni de parents européens. Je suis né de l'autre côté du Pacifique.

Du Paci-quoi ?

L'océan Pacifique. Je suis né en Asie, où précisément, je ne l'ai jamais su. Mes parents voulaient que notre famille fuît la guerre dans notre pays, alors avec beaucoup de gens nous sommes partis quand j'avais cinq ans. Nous avons mis des semaines à arriver sur des territoires où tout semblait si facile, tout était raffiné et beau. Les habitants étaient gentils, et il n'y avait aucun problème de guerre à ce moment-là. Alors nous avons décidé d'y rester. Le problème, c'est que nous ne leur ressemblions pas. Nous étions trop différents physiquement, alors un jour des soldats sont arrivés dans le bâtiment où nous étions tous logés temporairement. J'ai juste un vague souvenir de mes parents me cachant dans une trappe sous leur lit, avant de se faire tuer dans la même pièce. Ils ont emmené tous les corps, et j'ai été retrouvé peut-être des heures après par l'unique survivante de ce massacre. J'ai grandi avec cette vieille femme jusqu'à mes dix-sept ans. Lorsque j'en avais seize j'ai commencé à m'intéresser aux armées, et j'ai voulu y entrer, malgré ce qu'ils avaient fait. J'espérais mourir au combat. Mourir et les faire mourir. Celle qui m'a sauvé et que j'ai considéré comme ma grand-mère pendant douze ans m'a soutenu et partageait mon avis. Alors je me suis entraîné, j'ai travaillé dur sur moi-même, et j'ai fini par intégrer l'armée, quelques jours avant de la retrouver sur son lit de mort. Ce jour-là je lui ai promis de tous nous venger en faisant en sorte que nous perdions chacun nos combats les plus importants. Je vous laisse imaginer ma réaction quand on nous a annoncé que nous devrions tuer tous ceux que nous trouverions en arrivant sur une terre inconnue qui ne nous appartenait même pas.

Je ne répondais pas. J'étais perdue dans ce qu'il me disait, je buvais chacune de ses paroles. Tout me semblait beaucoup plus clair à présent. Il ne voulait pas nous tuer et était différent de tous les autres car lui avait vécu une similitude des années auparavant. Je l'admirais dans son parcours et les valeurs qu'il reflétait.

Vous ne dites rien. Vous vous êtes perdue où ?

Je... je ne me suis pas perdue. Je vous admire, c'est tout. Et, je ne sais pas pourquoi, mais ce que vous venez de raconter me fait penser à deux femmes tuées quand vos hommes nous poursuivaient.

Qui étaient-elles ?

Aquene et Ayanna. Vous allez rire, mais Aquene signifie "paix" et Ayanna "innocence". Ce jour-là votre tribu a tué la paix et l'innocence.

Je suis désolé que vous me l'annonciez de la sorte. Cela a dû être très dur pour vous.

À côté de vous je n'ai pas le droit de me sentir touchée. Je suppose que vous n'avez pas eu une enfance facile.

Certes mais c'est du passé. Je ne peux pas le changer. Mais vous, vous pouvez faire en sorte de vous sauver et de sauver les vôtres.

Dans votre tribu vous êtes beaucoup plus nombreux que nous n'est-ce pas ? demandai-je calmement après un court instant de silence.

Malheureusement oui, répondit-il sur le même ton. J'aimerais beaucoup vous aider, mais ce serait une mission suicide. Je serais le premier à mourir, et si ce n'était pas votre tribu qui ne me ferait pas confiance, ce serait mon colonel qui pointerait son arme sur moi. Comprenez que même si je ne vous tue pas, je ne pourrai pas vous venir en aide aussi facilement.

Je peux vous comprendre, je pense que si cela m'arrivait j'aurais la même réflexion. Oh, changeai-je en regardant le ciel, le soleil est déjà haut, il va falloir que je rentre. Je vais essayer d'aider aux cultures. Peut-être pourrions-nous nous voir au lever du soleil ?

Vous voulez dire demain ? Oui je serai là.

J'aimerais bien vous présenter ma tribu si l'envie vous prend. Je pense qu'ils comprendront aussi bien que moi que vous êtes quelqu'un de bien.

Merci Zaltana. Passez une bonne journée.

Vous de même monsieur San.

La Terre promise - SanWhere stories live. Discover now