Chapitre 7 - Démission

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Ils se hâtèrent de rejoindre la Directrice dans son bureau pour partager un déjeuner avec et pour enfin se quitter pour de bon. Ils empruntèrent les dizaines d'escaliers nécessaires et arrivèrent à l'endroit précis où tout avait commencé pour eux, quelques semaines auparavant. Rendez-vous compte, en quelques semaines à peine, ils avaient réussi à se détester du plus profond de leur âme mais surtout leur mentalité avait bien évolué et des vingtaines de questions trottaient dans leur esprit.

T/p entra, sans toquer comme à son habitude, et Cinq la suivit sans broncher. Leur supérieure les attendait tranquillement, sirotant un mojito, avec un air assez machiavélique. Ce qu'elle avait vu il y a quelques heures la faisait rire de rage et l'agaçait au plus haut point. Elle présenta les chaises en face d'elle pour inviter sa fille et son acolyte à s'asseoir. Ils exécutèrent le geste molassement et se mirent à leur aise. Un cuisinier arriva dans la pièce et déposa les plats d'un air enjoué.

"Un petit mojito? demanda la Directrice.

-Un virgin, s'il vous plaît... répondit sa fille.

-Rien pour moi, merci", ajouta Cinq.

L'ambiance était pesante tandis que chacun dégustait son burger. Le repas entier se passa sans un mot de la part des deux partenaires, même si l'autre vieille cruche essayait de détendre l'atmosphère. Quand tout le monde eut fini, la Directrice se leva dans une grande inspiration, prête à parler.

"Bien. Je me doute que vous voudriez tous deux continuer à faire équipe mais vous savez aussi que cela est... impossible.

-Ne te fatigue pas, Maman, dit T/p et se levant de table tout en déposant sa serviette sur celle-ci. Je démissionne."

Celle-ci resta sans voix. Sa fille? Démissionner? Elle ne savait pas quoi dire face à cela, elle n'avait pas vraiment de prétexte pour la faire rester. Elle essaya de garder son allure autoritaire et confiante.

"Comment ça, ma chérie? Penses-tu avoir le choix?

-Tu n'es plus ma mère dorénavant, tu n'as aucun pouvoir sur moi, c'est fini. Aujourd'hui, c'était la dernière fois.

-Mais où comptes-tu aller? Tes parents, je les ai tués. Ta famille, tu ne la connais pas. Le monde, tu ne l'as jamais vu. Je ne te donne pas dix jours à tenir.

-Je me débrouillerai, ne te fais pas de soucis pour moi."

Elle prit son manteau qu'elle avait quitté avant de déjeuner et le plaça sur son épaule avant de saluer d'un geste militaire ainsi qu'un sourire sa mère, puis elle sortit.

La Directrice devint folle de rage. Elle sortit son microphone, relié aux enceintes de tout l'établissement, et lança une alerte générale.

"À tous les agents: il y a une fille habillée tout de noir avec une blazer dans l'établissement, ne la laissez pas sortir. Employez tous les moyens nécessaires mais je la veux vivante. Je répète, je la veux vivante! Capturez la!"

Elle sortit en furie de son bureau, à la chasse de sa fille, laissant Cinq seul. Il ria doucement de la situation. T/p avait la fâcheuse habitude de se la ramener en apparaissant ou disparaissant de la manière la plus inconcevable. Il se doutait que sortir d'un immeuble de plus de six-cent-mille personnes, toutes à votre recherche, n'était pas un jeu d'enfants mais T/p s'en sortirait, peut-être. Quant à lui, cela lui offrait l'occasion parfaite de prendre une mallette et de se tirer rejoindre sa famille sans que personne ne le remarque. Alors, les regards tous tournés vers son ex-partenaire, il disparu tel un magicien.

De son côté, la jeune demoiselle n'eut, contrairement aux idées de son ex-camarade, aucune peine à sans aller. Elle emprunta sur les portes manteau un chapeau qu'elle enfila, un long blouson comme ceux des inspecteurs qui cachait bien sa robe, elle fouilla dans le premier sac qu'elle trouva et dénicha de quoi se faire un faux grain de beauté sur le coin de la joue, un rouge à lèvres bien pétant, des lunettes de soleil, et, munie de la première malette qu'elle trouva, elle partit, laissant toutes ses affaires derrière elle.

La Commission se mit à sa recherche pendant des années mais ne la retrouva jamais. Elle avait disparu des radars et, si elle était encore en vie, opérait dans l'ombre la plus totale.

On dit qu'elle aurait enquêté sur sa famille. Elle se serait installée dans une maison dans un coin perdu d'une ville de 1920, l'année où elle serait née. Pendant les premières semaines, elle aurait passé inaperçu. Elle sortirait seulement pour faire ses courses et parfois irait boire un verre ou deux et un soir, elle aurait recroisé sa mère. Ce serait un jeune femme enceinte qui se serait assise à la table opposée de la sienne dans le café avec son mari. Ils semblaient vraiment heureux ensemble et avaient des airs qui ressemblaient à ceux de T/p. Leur visage familier a tout de suite fait tilte dans sa tête, c'étaient ses parents. Elle les aurait ensuite observés pendant plusieurs années, jusqu'à ses cinq ans précisément, et, une fois que les agents de la Commission les auraient tué, elle aurait fait le tour de la maison à la recherche d'informations sur sa famille. Elle aurait fini par trouver de vielles photos et une adresse où pourrait vivre sa tante. Elle se serait rendue dans leur futur, quelques années plus tard, et aurait rejoint celle-ci. Depuis, elle vivrait là-bas, cachée loin de tout et de tout le monde. Entre les petits boulots, les travaux à la ferme, la vente du lait et tout le reste, elle aurait trouvé de quoi vivre. Sa tante serait morte quelques années plus tard alors que T/p viendrait juste de rencontrer un garçon qui lui plaît. Il aurait vite emménagé avec elle pour l'aider dans le deuil. Elle se serait mariée au bout de trois ans de relation saine à la campagne durant lesquels ils auraient été heureux et épanouis tous les deux. Deux ans encore après le mariage, ils auraient adopté un petit chien pour agrandir la famille, et après de nombreux essaies, auraient eu des enfants. Ils auraient donc vécu avec eux pendant une vingtaine d'années jusqu'à qu'ils quittent la maison. Vieux et aigris, tous les deux seraient rester à la campagne et aurait adopté un nouveau chien pour combler le vide qu'aurait laissé l'autre après son décès. Ils auraient vieilli et vieilli encore jusqu'à qu'elle finisse par mourir et qu'une année plus tard, il la suive.

Mais bien sûr, ce n'est que ce que l'on dit. La vérité est bien loin de celle-ci, vous vous en doutez bien. L'histoire de T/p et Cinq, les deux amoureux qui se haïssent, ne peut pas se finir sur ça. Pour avoir la vraie version, il faut revenir à l'arrivée de Cinq chez lui, juste après qu'il est quitté la Commission avec la mallette...

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