Jour 20 - Familier

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« Je vous en supplie, épargnez ma fille... »

Enchaîné à un poteau, un homme d'une trentaine d'années implorait Shamadin. Son visage creusé, sa voix tremblante et ses yeux larmoyants n'atteignirent pas le cœur du Grand Prêtre de Kinasir.

« Elle n'a rien fait de mal... elle est innocente, je vous en supplie ! »

Une enfant, frigorifiée et effrayée, se tenait au centre de la pièce. Incapable de bouger, les larmes lui obstruaient la vue et ses sanglots l'empêchaient de respirer convenablement. Elle avait tout aussi peur que son père, qui malgré ses efforts désespérés ne parvenait pas à se libérer. Serrés plus que de raison, ses poignets se brûlaient contre le métal des liens qui le clouait au poteau.

Shamadin ne l'écoutait que d'une oreille distraite, tandis qu'il caressait les longues écailles noires du cou d'Apophis, son kathydre. Ce dernier ne quittait pas la gamine de ses prunelles ambrées, dont la pupille n'était qu'une fente reptilienne. Quelle magnifique créature... dite indomptable. Ha, foutaises. Par la grâce de Kinasir, leur Dieu adoré, il obéissait à Shamadin comme un vulgaire toutou. Le dragon n'attendait que l'accord de son maître pour fondre sur sa proie.

« Par pitié... épargnez-la ! Je ne remettrai plus la parole de Kinasir en doute ! Ne faites rien à ma fille, ne lui faites rien... »

Un rictus étira les lèvres du Grand Prêtre, qui se redressa alors finalement. Il s'approcha de l'impie, duquel il prit le menton dans une délicatesse morbide.

« Tu as douté de notre Dieu par le passé. Tu pourras recommencer. On ne pardonne pas les infidèles comme toi. »

Il se plaça à ses côtés et l'attrapa par les cheveux pour qu'il ne se détournât pas. Apophis, d'un pas lent, prédateur, avançait jusqu'à l'enfant qui ne bougeait toujours pas. Tétanisée.

Le père s'agita, mais Shamadin lui claqua le crâne contre le poteau et l'y maintint ensuite avec plus de poigne. Les larmes roulèrent sur les joues du condamné. Impuissant, il suffoquait.

« Je vous en supplie... Laissez Liya vivre...

– N'oublie jamais qu'en la détournant de notre Dieu, c'est toi qui l'as tuée. »

Le jeune homme ferma les yeux. Il ne pouvait pas observer sa précieuse petite fille être dévorée vive par un monstre ! Ses cris de douleur, ses cris stridents, ses cris de désespoir, ses cris abominables, ses cris se mêlaient à ses pleurs. Atroce. Son impuissance, son dégoût, sa peine, sa souffrance... Tout était atroce.

« Ne te détourne pas. Regarde. »

Le rappel à l'ordre de Shamadin écœura d'autant plus le père, qui regroupa ses dernières forces pour secouer la tête. Non, il ne voulait pas regarder. Il ne voulait pas regarder une telle horreur... ce dragon qui se nourrissait de sa Liya adorée, son plus beau trésor !

Shamadin ne l'entendait pas de cette oreille. Sans ménagement, il claqua une nouvelle fois la tête du pauvre homme contre le poteau avant de tirer sur ses paupières pour qu'il les garde ouvertes.

« Je t'ai dit de regarder. Tu vas regarder Apophis ronger les os de Liya.

– Achevez-moi, pitié...

– Je ne te laisserai pas rejoindre Liya tout de suite, allons, ronronna Shamadin d'une voix doucereuse. Ce serait une insulte envers notre Dieu bien aimé. Tu vas d'abord prier tous les jours pour qu'il te pardonne. Ne t'en fais pas, il s'occupera bien de ta fille. Bien mieux que toi.

– Liya... »

Le Grand Prêtre le lâcha finalement, le visage de nouveau neutre. Brisé, le père ne quittait plus le kathydre arracher les membres, la chair de sa fille chérie. Son sang se répandait sur le sol, qui le buvait à son tour et dégageait alors une odeur immonde. Maintenant qu'il n'était plus qu'une coquille vide, il ne se détournerait plus de Kinasir.

Petites histoires de ValorandrisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant