𝑪𝒉𝒂𝒑𝒊𝒕𝒓𝒆 2 : 𝑳'𝒂𝒖𝒃𝒆𝒓𝒈𝒆

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"Zia, je sais que tu es réveillée."

Les nombreuses couches de couvertures créaient un rempart rassurant contre la froide humidité de la vieille chambre. Le silence bourdonnait, meublé par les murmures du vent au-delà de la fenêtre. Il faisait trop chaud sous les couches de draps. C'était une torpeur lourde, qui me maintenait dans un ennui mélancolique. Je restais silencieuse, pourtant réveillée depuis une éternité, prisonnière de ma somnolence.

Logan entra sans attendre ma permission. Je gémis lorsqu'il tira brutalement le rideau, illuminant la pièce de rayons blanchâtres.

"Tu dois aller travailler, tu te souviens ?"

Je l'ignorais et me retournai dans l'oreiller.

Le garçon soupira avec une pointe de sarcasme : "On se demande qui est l'adulte de nous deux."

Je voulu le faire taire d'un regard noir, mais la lumière pâle me perça douloureusement la rétine. Il profita de ce moment de trouble pour tirer les couettes, laissant l'air glacé rentrer dans ma robe de chambre.

"Allez, debout !
― Tant de cruauté..."

Je me redressais mollement et m'étirais. Mon crâne était devenu plomb durant mon insomnie. Mes jambes flageolaient sous mon poids les quelques pas que j'effectuais pour aller jusqu'à ma coiffeuse. Le geste fébrile, je remplis la bassine de toilette avec la carafe que j'avais préparée la veille. Le liquide glacé me réveilla comme un coup de fouet.

Je m'empressai de m'essuyer d'un coup de serviette, inspectant du même coup l'état de ma figure dans la glace, que je reconnaissais à peine. Mon regard y rencontra deux yeux bruns creusés par les cernes. Mon visage s'était aminci et avait perdu des couleurs, souligné par les épis s'échappant de ma coiffure nocturne.

La femme blonde qui me fixait semblait fragile, épuisée et malade. Une bougie tremblante qu'on aurait pu éteindre d'un souffle.

Cette image ne me plaisait pas. Je rassemblais ce que j'avais d'orgueil pour gagner un peu de volume.

Un mois.

Cela faisait un mois qu'Astrid avait été enterrée.

Ce jour me paraissait flou, comme un vieux rêve. Dès l'instant où nous avions franchi de nouveau le palier de la maison, que la charrette du bataillon avait disparu au bout de la route, toute la tension était retombée. Déjà les souvenirs étaient devenus de lointains échos, d'étranges bribes de cauchemars. L'absence d'Astrid n'avait rien changé, ni des sapins qui encadraient la clairière, ni de l'odeur de terre mouillée, ni de la vaisselle entreposée dans l'évier. J'en étais presque venu à penser que j'avais imaginé le cercueil recouvert de boue.

Mais le sac plein d'affaires prenait la poussière, au pied de ma commode.

Logan s'était assis en tailleur dans mon lit éventré, observant pensivement les lueurs de l'aurore par le carreau embué. Il était encore en tenue de nuit, ses boucles brunes bataillant fièrement l'air.

"Tu vas en cours ? demandais-je en dénouant mes nattes.
― Non, il fait trop mauvais.
― Pourquoi es-tu levé, alors ?

Il haussa les épaules : "Je ne suis juste pas fatigué.
― Bien sûr..."

Logan ne semblait pas avoir changé, lui non plus. Il gardait son air rassurant, son sourire un brin insolent, mais des ombres s'étaient dessinées sous ses yeux clairs.

Pourtant, il avait quitté les bancs de l'école depuis la mort de sa mère. J'avais commencé par lui laisser du temps. Je n'aurais pas su moi-même comment aborder le sujet ; et Logan se montrait expert pour détourner les conversations qui l'embarrassaient. Mais l'attente commençait à se faire longue, et l'adolescent ne semblait pas décidé à reprendre ses études de suite. Il rit doucement : "De toute façon, je suis trop vieux maintenant. Il n'y a plus que des petits... C'est presque moi le professeur.
― Tous tes amis travaillent dans les champs, tu voudrais les rejoindre ?"

𝐂𝐡𝐫𝐨𝐧𝐢𝐜𝐥𝐞𝐬 𝐨𝐟 𝐙𝐢𝐚 || 𝐿𝑖𝑣𝑎𝑖 𝑥 𝑜𝑐Where stories live. Discover now