Petites histoires de Valorandris

Jour 2 - Yamamba

Dès qu'il mit un pied dans l'eau délicieusement bouillante de la source chaude, un sourire illumina le visage du prince Natsuhiko. Ce dernier s'installa rapidement et confortablement dans le bain, où il ne ressentit bientôt plus du tout le froid, puis leva les yeux au ciel. Ce jour-là, les nuages se teintaient d'un gris clair maussade et laissaient échapper quelques flocons, qui fondaient sitôt qu'ils touchaient le sol, les roches, les arbres ou les toitures.

Ramenant sa longue et soyeuse crinière sur le côté, Natsuhiko aperçut du coin de l'œil le prince Kazuhiro arriver à son tour. Le regard brillant, à la fois de curiosité et d'admiration, il l'observa avec une attention toute désignée : comme habitué aux températures glaciales du sud, le prince de Nokuya se mouvait jusqu'à la source avec élégance. Son corps, finement sculpté par ses entraînements réguliers, rougissait à peine par la morsure du froid. Ses cheveux noirs, bouclés et coupés courts, mettaient son visage aux traits aussi durs que doux en valeur. Et ses yeux...

Kazuhiro les posa sur son comparse et celui-ci sentit son cœur s'affoler. Du feu brûlait dans ces prunelles d'un vert si intense, si rare, si précieux, si royal ; Natsuhiko défaillait à chaque fois. Naturellement, il appuya sa joue contre la main de Kazuhiro, qu'il venait de caler avec tendresse, le caressa du bout des doigts.

« As-tu bien dormi ? lui demanda-t-il dans un souffle, penché vers lui.

– Mmh... Et toi ? »

Enivré par son parfum et sa douceur, Natsuhiko se laissa aller dans ses bras et cala sa tête dans son cou. Délicat et affectueux, il effleurait son torse sans perdre son sourire satisfait. Ces quelques jours loin de la capitale lui faisaient tant de bien...

« J'ai rêvé de Yama-Uba. Ce n'était pas très joyeux.

– Yama-Uba ? »

Interpellé par ce nom qu'il ne connaissait guère, le prince de Soligaru releva le menton pour darder ses yeux pleins d'intérêt savant sur son amant. Celui-ci pouffa, amusé et attendri par la soif de connaissance de Natsuhiko.

« C'est une vieille sorcière avec des cheveux en bataille des légendes de Yukitomo. On dit que ce serait la fille du dieu Yukazu et de la déesse Tsuyume. Elle mangerait les enfants qui se perdent dans les montagnes la nuit à l'aide de sa deuxième bouche, » lui apprit Kazuhiro, qui avait glissé sa main entre les mèches brunes aux reflets rougeâtres du soligois.

Il fondit d'autant plus sous ces chaleureuses papouilles, quoiqu'un sourire plus malicieux étirait désormais ses lèvres. Taquin, il frôla les légères marques rouges dans le cou de Kazuhiro et ronronna :

« Je t'ai tant perturbé que ça à te dévorer le cou, hier soir ? Pourtant, je suis quand même bien plus canon qu'une vieille peau à deux bouches. »

Ce qui arracha un éclat de rire, sincère et profond, à son amant. Il s'esclaffait si rarement que cela étreignit de nouveau le cœur du prince de Soligaru, qui se sentit devenir écarlate. Il se détourna rapidement, embarrassé : arf, il craquait de plus en plus et beaucoup trop pour ce prince aussi timide et maladroit que séduisant et intrigant.

« Ne ris pas, je vais me vexer, » le menaça soudain et faussement Natsuhiko, les sourcils froncés.

Kazuhiro ne se calma qu'à peine alors qu'il enlaçait plus fort son amant. Ils étaient si proches qu'ils s'emboîtaient presque, comme s'ils ne faisaient plus qu'un. À l'aise, Natsuhiko ignora les pulsations frénétiques qui lui donnaient mal à la poitrine et profita pleinement de ce câlin bouillant.

Et dire que, le lendemain,ils devaient déjà rentrer à Niji...