Chapitre 5

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Le mercredi après-midi est l'un des rares moments que je m'accorde. En général, je ne me penche pas sur mon travail et profite du reste de la journée. J'ai pris cette habitude lorsqu'il y a quelques années, je gardais les enfants de ma sœur tous les mercredis. Depuis, son mari a changé de boulot et il s'occupe d'eux, alors je n'ai plus besoin de le faire. Mais certaines fois, comme aujourd'hui, je récupère Lucas et Zoé pour passer l'après-midi avec eux, ce qui permet à leur papa de souffler un peu et à moi, de passer du temps avec ma nièce et mon neveu.

Comme toujours, je vais à pied jusque chez ma sœur et ensuite, nous allons nous promener. Nous passons par la place principale de la ville et nous nous arrêtons pour acheter des crêpes à un stand de confiseries. Et pendant que nous engloutissons notre goûter, assis sur un banc, les enfants fixent la patinoire extérieure installée de l'autre côté de la fontaine. Elle est là tous les ans et, habituellement, nous nous contentons de nous accouder à la rambarde pour regarder les gens patiner.

Pour être parfaitement honnête, je ne suis pas très douée lorsqu'il s'agit d'équilibre. Mon petit ami du lycée adorait le roller et il a fini par me convaincre d'en enfiler. Je n'avais pas esquissé un pas que j'avais déjà chuté et j'ai terminé ma journée aux urgences. Je me souviens encore du plâtre qui m'a emmerdé durant des semaines et depuis, je n'ai plus jamais chaussé de rollers, encore moins de patins. Et si j'avais su que ces deux gosses voudraient faire de la patinoire cette année, j'aurais changé notre parcours.

– Allez tata ! On veut apprendre à patiner comme les grands !
– Et si l'un de vous se blesse, qu'est-ce que je vais dire à papa et à maman, moi ?
– Qu'on est tombé ? propose Lucas comme si la réponse était évidente.

La vérité, c'est que je suis incapable de leur refuser quoi que ce soit. Lucas et Zoé sont jumeaux et j'ai passé de nombreuses heures à les surveiller, à les nourrir et à m'occuper d'eux lorsqu'ils étaient bébés et que leurs parents travaillaient.

Ma sœur est plus jeune que moi. Elle et son mari n'avaient pas prévu d'avoir des enfants, pas tout de suite en tout cas. Mais elle est tombée enceinte, non pas d'un, mais de deux bouts de chou. Ils sont devenus parents, ils n'ont pas paniqué, ils n'ont pas baissé les bras et ils se sont battus pour élever leurs enfants. J'ai été présente pour eux autant que je l'ai pu et j'ai tissé un lien très fort avec les jumeaux. Lucas et Zoé sont la prunelle de mes yeux, je les aime comme s'ils étaient de moi – sans les contraintes – et comme toute tata qui se respecte, je cède à chacun de leur caprice. Même s'il implique de chausser des patins alors qu'on ne tient pas dessus.

– Bon... D'accord, soupiré-je, mais seulement si vous me promettez de ne pas trop vous éloigner et de faire attention.
– On te le promet ! chantonnent-ils à l'unisson.

Ils sautillent de joie et moi, je prie tous les dieux de l'univers pour ne pas faire une mauvaise chute. Si c'est moi qui tombe et qui termine aux urgences, ma sœur risque de me passer un sacré savon. Je suis une adulte, ce qui implique que je devrais être raisonnable, responsable même, et ne pas dire constamment « oui » à tout ce que les jumeaux me demandent. Je le sais. Mais je suis incapable de leur dire non. Si un jour j'ai des enfants, je vais devoir apprendre à avoir de l'autorité !

Nous jetons nos serviettes en papier et, main dans la main, nous prenons la direction du petit chalet en bois pour payer et avoir nos patins. Nous faisons la queue et, mentalement, je calcule le pourcentage de chance pour que cette journée se termine mal. Quatre-vingt-dix-neuf pourcents, sans aucun doute. Je laisse une marge d'un pourcent, juste au cas où, parce que j'ai prié. Je ne suis pas croyante, mais sait-on jamais !

– Inès ? Je ne pensais pas vous croiser ici.

Je n'ai pas besoin de me retourner pour savoir à qui appartient cette voix. Et si ce n'est pas un signe, je ne sais pas ce que c'est.

Mariage de Noël ; Partenaires (in)temporelsWhere stories live. Discover now