• La Muette et Le Barbare •

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Des pingünos.

Je n'aimais pas ça. Je n'aimais pas ça du tout. Généralement, les personnes habillées en costards étaient toujours des hommes d'affaires. Mais à Cuba, les affaires demeuraient quelque peu différentes. Tout le monde le savait, mais aucun de nous ne l'ouvrait. La peur de mourir l'emportait toujours sur la justice.

Et puis, comment pourrais-je parler si j'en suis incapable ?

Dans notre pays, si quelqu'un se pavanait en costume, ce n'était sûrement pas par choix. Vu la chaleur qui nous accablait, mais à laquelle on s'était accommodé avec le temps, tout le monde préférait la compagnie d'un short et d'un simple marcel. Mais pas eux. Ça correspondait à une sorte de marque de fabrique, un peu comme les yakuza et leurs tatouages. Alors, à moins que ce ne soit des promoteurs immobiliers ou une autre connerie dans le genre, ces hommes représentaient le danger dans toutes ses formes.

En 23 ans d'existence, j'eus seulement vent des légendes urbaines qui entouraient les pingüinos et leur violence inouïe. J'osai donc profiter de ce moment pour nourrir ma curiosité en toute discrétion.

Deux de ces hommes se ressemblaient étrangement. Sûrement des frères. Même si l'un portait des cheveux roux assez courts et que l'autre abordait une queue de cheval brune, leurs yeux marrons, leurs bouches asymétriques ainsi que leurs teints légèrement plus clair que le mien étaient bizarrement similaires.
Oui, sûrement des frères.

A leurs côtés se tenait un homme noir. Complètement chauve. Cependant, sa barbe garnie et bien taillée contrastait parfaitement avec ce manque capillaire. Sans compter sur son teint basané complètement lisse, qui détenait quelque chose d'extrêmement envoûtant.
Pourtant ce n'était pas lui qui attirait le plus mon attention.

Dios míos !
Un géant.

Je savais pertinemment que du haut de mes 1m68, j'attribuais l'adjectif « grand » un peu trop facilement. Mais cet homme s'avérait être anormalement immense.
Son teint hâlé légèrement plus foncé que le mien soulignait ses iris sombres.
Un noir charbon qui ne permettait pas de voir ses pupilles.
Ce même noir qui façonnait ses cheveux.
Un noir qui lui collait même à la peau.
Par contre, il m'était impossible de voir distinctement les dessins qui couraient le long de ses mains, ou même ceux qui s'échappaient du col de sa chemise.
Une chemise de couleur...noire.
À y regarder de plus près, on pouvait remarquer que lui seul exhibait un haut foncé. En fait, il ne s'était même pas contraint d'une veste.

Il est magnifique.

Magnifiquement dangereux.

Ce fut les seuls mots qui me vinrent à l'esprit. Son regard me scrutait en retour, tandis que Victorio, mon collègue, les plaçait à la table 4.
Sa zone.
Je n'avais pas à m'occuper d'eux.
Une fois derrière le comptoir, je m'autorisai à me détendre légèrement et me rendis compte que j'avais arrêté de respirer.
Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'ils m'ont coupé le souffle !
Je sentais toujours un regard sur moi, mais n'y prêtai nullement attention et me replongeai dans une tâche hardie; laver des verres sans les casser. Avec deux mains gauches comme les miennes, ça tournait souvent au drame.



•••••••••



15h30 retentit comme une délivrance. J'avais sacrément mal au dos et aux pieds. J'enlevais mon tablier lorsqu'on me lança;

— Déjà finis ?

Victorio.
Mon collègue.
Mon ami.
Tout allait bien.
Je secouai la tête de haut en bas plusieurs fois, tout en rangeant mes affaires de travail dans un placard se cachant dans le comptoir.

Antes De Que Llegue La MuerteWhere stories live. Discover now