31 | Quatres murs désespérément ternes.

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— Tout cela ressemble à un énorme malentendu, m'exclamé-je avec véhémence. Je ne travaille pour John Philips que depuis l'automne dernier !

— C'est précisément à cette période que les fuîtes ont débuté, mademoiselle, rétorque sèchement l'agent.

Mais enfin ?!

Mes coudes prennent appui sur la triste surface grise, et je me penche vers l'homme en costume qui me toise impassiblement.

C'est insensé !

— Récapitulons agent Allen, vous voulez bien ? sifflé-je entre mes lèvres pincées par l'agacement. Si j'ai bien compris, je suis accusée de...

La porte qui s'ouvre avec fracas m'interrompt, et je tourne instinctivement la tête dans sa direction avant de me figer, désabusée, en dévisageant le nouveau venu.

Bordel de dieu !

Ne dis plus rien, Taylor ! m'ordonne-t-il d'une voix professionnelle en fusillant le fonctionnaire du regard.

Puis il attrape une chaise qui patientait près du mur et s'assoit à mes côtés tandis que je le contemple, dépitée.

Pas toi !

— Maître Wilson, se présente-t-il avec toute l'arrogance qui le caractérise. Je représente mademoiselle Davis.

Voilà la raison pour laquelle je suis contrariée. De tout le cabinet engagé par mon père, c'est Frédéric qui débarque à ma rescousse. Sauf que je sais déjà que ce ne sera pas gratuit. Disant cela, soyons clairs que je ne parle pas d'argent. Je souligne juste que l'homme n'est pas connu pour sa bonté d'âme.

Jusqu'où vas-tu oser aller ?

— Avant que vous ne poursuiviez votre cinéma, je veux parler en privé avec ma cliente, poursuit-il avec intransigeance.

Franchement ? J'avoue être partagée. Oui. Je voudrais presque que l'agent fédéral soit celui des deux qui reste tant je me méfie du séduisant brun.

— Bien, se contente malheureusement de dire l'autre en se levant. Nous vous accordons cinq minutes, pas une de plus.

Nous ?

Mon attention se fixe aussitôt sur le miroir, bien que plisser les yeux soit inutile. Je voyage en traversant les portes, après tout, mais ne vois pas par-delà les murs. Je m'en serais rendue compte, n'est-ce pas ? Une fois que nous sommes seuls, je ne retiens plus le soupir réprimé depuis l'arrivée de l'avocat.

— Sois un peu plus reconnaissante, chérie, murmure-t-il en se penchant vers mon oreille. Une accusation d'espionnage industriel est vraiment très grave.

Je suis au courant, merci bien. Cependant...

— Ne fais pas comme si tu ignorais que c'est faux, grondé-je en reculant ma main qu'il effleure.

— Je sais que tu es innocente, mon amour, poursuit-il en laissant ses lèvres s'étendre pour former ce sourire familier.

Putain. De. Bordel. De. Dieu. Tu ne vas pas oser.

— Quelle stratégie comptes-tu adopter, dans ce cas ? demandé-je en feignant d'ignorer son manège.

— Tout va dépendre de toi, chuchote-t-il tandis que je réprime le frisson du dégoût.

Bien sûr que non tu n'as aucun scrupule.

— Explicite, commandé-je dans un grondement.

Permettez-moi de m'épargner la description de ses traits à ce moment précis, s'il vous plaît. Car c'est insupportable de vivre cet instant où il me fait du chantage sans même tenter de prétendre le contraire.

— Rentre avec moi et je te fais sortir dans l'heure, bébé, articule-t-il lentement avec suffisance.

Espèce d'enfoiré.

— Et si je refuse ?

— Alors tu passeras le week-end enfermée, à attendre que je revienne lundi, affirme-t-il en faisant glisser ses doigts le long de mon bras. Je te connais assez pour savoir que tu ne tiendras pas.

Tu ne doutes vraiment de rien, n'est-ce pas ? Mais je ne suis plus cette fille là, tu sais.

— Tu es plus prosaïque que ce que j'avais pu imaginer, Frédéric, constaté-je dans une indifférence de façade.

Oui, je sais demeurer polie bien que les mots qui me viennent soient moins civilisés, voyez-vous ? Je lève les yeux vers lui avant de laisser tomber la première interrogation qui me vient :

— Comment comptes-tu justifier le fait de me laisser là ?

— Oh, chérie, susurre-t-il, paré de la plus grande outrecuidance que vous puissiez imaginer. Tu sais que ce ne sera pas un problème, puisque j'ai constaté à quel point tu as perdu pied en venant. Je suis si inquiet que j'ai préféré te laisser en sécurité le temps de t'organiser un séjour discret et confortable à Zucker Hillside.

Quoi ?!

— Tu as prévu de me faire interner si je ne reviens pas ? hoqueté-je, refusant de croire qu'il irait aussi loin.

C'est toi qui a besoin de soins !

— Je sais que tu m'en veux pour ce que j'ai fait, Taylor, souffle-t-il contre ma joue. Mais tu es une femme raisonnable, consciente du fait que nous étions parfaits ensemble et que notre relation peut redevenir ce qu'elle était.

Vide, tu veux dire ? Clinquante, faite d'apparences ? Outre ton comportement abjecte, je sais que c'est insuffisant maintenant que j'ai rencontré...

— Et ne me parle pas de ton agent, chérie, prévient-il. Étant donné que je suis ici avant lui, il y a fort à parier qu'il ne soit pas aussi investi que tu le voudrais. En repartant avec moi tu garderas la face dans la société.

Je reconnais que ses mots sont des coups de poignards ciblants mon cœur avec précision. Moi la première, j'ai douté d'Evan lorsque j'ai été entraînée dans les locaux du FBI. Ai pensé qu'il avait trahi mon secret, sa parole. Désormais je sais que ce n'est pas le cas. Que pense-t-il d'avoir trouvé ma porte close ? Mon appartement vide ? Est-il entré ? A-t-il essayé de me joindre ? Pense-t-il que je l'évite délibérément ? Que j'ai choisi de mettre fin à notre relation ?

Je suis désolée !

— Au revoir, Frédéric, grogné-je. Ne prends pas la peine de revenir, je me débrouillerais seule.

***

L'autre côté de la porteWhere stories live. Discover now