10 | Loué soit le dieu des quiproquos

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Mon tube de transport sur l'épaule, je consulte rapidement mon téléphone, vérifiant l'heure en arrivant devant notre bar. « Je suis désolée, Tay, mais j'ai vraiment besoin que vous soyez là tous les deux ! » a énigmatiquement annoncé le texto de Carly une heure plus tôt, alors que je planchais avec concentration sur les esquisses du nouveau projet d'un gros client. Finalement, mon écran indiquant dix-neuf heures vingt-quatre au-dessus de jeudi trois novembre me prévient que je suis en avance. Je suis partie directement, cela étant dit, car ma meilleure amie ne m'aurait jamais joué un coup pareil si ce n'était essentiel à ses yeux. Je sais déjà que ce n'est aucunement grave, mais compte énormément pour elle. Il s'agit probablement du mariage – puisqu'Evan va être là aussi – donc je suis terriblement impatiente, le reste m'apparaissant comme secondaire.

Vraiment, Taylor ?

Oui oui.

J'évite soigneusement le cousin de Joshua depuis la dernière fois qu'il m'a raccompagnée. Effectivement, c'est une façon d'avouer que je le fuis littéralement. Une fois en sécurité dans mon appartement – ce soir là – tandis que mon corps me reprochait de l'avoir laissé partir, j'ai immédiatement appelé ma meilleure amie pour tout lui dire. Elle m'a écoutée sans m'interrompre bien que je sache qu'elle en crevait d'envie, concluant par un simple « Compte sur moi, je vais t'aider. ». En conséquence je l'ai malheureusement moins vue, sauf qu'aux grands maux les grands remèdes, dit-on, n'est-ce pas ? Prenant une lente inspiration, j'ouvre la porte. Il fait définitivement trop froid pour attendre dehors. Me faufilant à travers la foule, je rejoins le bar et fait un signe à Mike pour le saluer, laissant le tube au sol en abandonnant sac à main ainsi que portable sur le comptoir. À l'instant où je commence à enlever mon manteau après avoir retiré mes gants, des mains que j'identifie immédiatement se posent sur mes épaules afin de m'assister.

— Bonsoir, souffle-t-il sur ma nuque. Ça faisait longtemps.

Deux semaines et à priori, j'avais besoin de plus !

Self-control Taylor ! C'est le moment d'employer tout ce que tu as emmagasiné !

Ouais ouais.

Non mais genre, pour de vrai !

Je fais de mon mieux !

Le cœur irrémédiablement affolé, j'applique un sourire poli sur mon visage, me tournant pour lui faire face après une brève expiration. Ses doigts descendant le long de mon dos – dans l'unique but de défaire mon trench, c'est une évidence – rendent difficile la notion de sérénité. Et lorsque je rencontre ses – parfaits – yeux verts, l'idée s'envole littéralement.

Tu fais chier, Taylor !

C'est bon, je gère !

— Bonsoir, Evan, le salué-je, maintenant difficilement l'illusion. Tu vas bien ?

Je récupère ma veste, défaisant mon écharpe. Il n'a rien répondu que son attention tombe immédiatement sur ma gorge.

— Journée peinture ? s'amuse-t-il.

Merde !

— Oh non, gémis-je impulsivement. Ne me dis pas que je m'en suis encore mis partout !

Lorsque je suis distraite avec un pinceau à la main, je finis irrémédiablement par prendre l'allure d'une enfant de cours préparatoire. Pour toute réponse, il passe lentement son pouce sur sa langue avant de venir frotter ma peau, m'empêchant de respirer autant que raisonner.

Tu veux me tuer ou quoi ?!

Que tu fais-tu ?! m'étranglé-je, nerveuse.

— Voilà, tu es parfaite, répond-t-il avec décontraction, accrochant ses iris aux miens. Je dirais que le orange n'est pas ce qui te va le mieux au teint.

L'autre côté de la porteWhere stories live. Discover now