Qu'y a-t-il de vrai, entre nous ?

Là, la douleur me submerge, me faisant douter de tous les moments que nous avons partagés. S'il m'aimait réellement comme il l'a prétendu il y a à peine quelques heures...

— POURQUOI ?! crié-je de toutes mes forces tandis qu'une larme m'échappe.

Ses paupières se ferment une seconde pendant laquelle il prend une profonde inspiration. Lorsqu'il les réouvre, l'intensité qu'il affiche me transperce, me donnant envie de croire sur-le-champ que ses intentions n'ont rien de mauvaises. Pourtant...

— Je veux que tu partes, ordonné-je d'une voix tremblante.

Au lieu de m'obéir, il attrape mes poignets, me tirant dans sa direction. Mon souffle se brisant, j'ignore comment réagir. Dois-je avoir peur qu'il m'arrête ? M'enferme ? Craindre qu'il me blesse ? Me tue ? Supposer qu'il compte préserver mon secret ? Me protéger ?

— Écoute-moi s'il te plaît.

Mes lèvres se pincent, mes yeux se plissent et je ravale un gémissement – n'ayant plus rien d'indécent – plantant un regard aussi désorienté que furieux dans le sien.

— Je t'aime, affirme-t-il avec cet air sincère qu'il a depuis le premier jour.

Putain, Evan !

C'est la goutte d'eau. Vous savez ? Celle faisant déborder le putain de vase. Les mots de trop. Ceux que je n'arrive plus à croire quand bien même les ai-je espérés pendant des semaines. Comment peuvent-ils me faire si mal quand je les pense si fort moi-même ? Je devrais hurler, je le sais. Laisser ma colère exploser encore et encore. Pourtant, engloutie par le flot de mes sentiments, je fais précisément l'inverse. Éclatant en sanglots en enroulant mes bras autour de sa nuque, j'enfouis mon visage dans la chaleur de son épaule, me raccrochant à ce que j'ai cru que nous avions. Autrement dit, quelque chose de sincère. Oui. Je vous avais prévenu que ma raison – cette garce – se plaisait à Kuala Lumpur.

— J'allais tout te dire, soufflé-je difficilement, habitée par le plus grand des désespoirs.

Sa respiration se bloque un instant, puis il se recule pour attraper mon visage entre ses mains, semblant presque aussi désorienté que je le suis.

— Tu allais... hésite-t-il.

Tout te dire putain !

J'avais pris cette décision quand je pensais que tu étais fiable, articulé-je lentement, me détachant de lui. Je constate que j'avais tort.

Ses doigts glissent le long de mon bras, comme s'il se demandait s'il est opportun de me retenir ou non. Il ne le fait pas, se contentant de froncer les sourcils, visiblement à la recherche de ses mots.

Quoi, veux-tu me faire croire que tu es venu sans préparer ton speech ?!

Je voulais seulement te faire comprendre que tu peux me faire confiance, murmure-t-il.

— En me piégeant ?! m'offusqué-je.

— Je reconnais que ce n'est en rien idéal, mais j'ai cru que tu ne te confirais jamais !

J'avais juste besoin de savoir que tu m'aimais ! Que je comptais réellement !

— Depuis quand ? m'agacé-je, repartant de l'autre côté de la table.

— Tu le sais très bien, Taylor, soupire-t-il.

Depuis Tokyo ?

Pas avant ? demandé-je avec espoir.

Étais-je une enquête à la base ou est-ce vraiment une saloperie de coup du sort ?

Il se lève pour me rejoindre, me faisant hésiter à reculer avant que je ne décide de le laisser faire. Sa paume retrouve ma main sur le bois, me faisant détester d'autant qu'aimer la sensation de ce contact réconfortant.

— J'ai immédiatement su que Carly et toi me cachiez quelque chose, tu le sais. Sauf que jamais je n'aurais pu deviner.

Vraiment ?

Sache quand même que lorsque tu mens, tu dis toujours « Tout à fait ».

Bordel de dieu !

Souviens-toi aussi que vous êtes rentrées de Paris plus vite que le temps de trajet en avion. J'espère d'ailleurs que vous eu la bonne idée de « perdre » vos passeports depuis.

Putain Evan !

Pourquoi maintenant ? demandé-je en fermant les yeux, incapable d'être sûre de vouloir connaître la réponse.

Ses lèvres se posant sur ma tempe, le temps se suspend.

— Parce que tu m'as dit que tu m'aimais, chuchote-t-il contre ma peau. Ça voulait donc dire que tu pouvais t'ouvrir à moi.

Mon cœur manque quelques battements en réaction à ces paroles raisonnant dans mon esprit comme étant la vérité. Celle que je veux entendre, en tout cas.

Attendais-tu aussi ces mots ?

Que comptes-tu faire ? exhalé-je, levant un regard incertain dans sa direction.

— Mais enfin Taylor, je ne compte rien faire du tout ! s'exclame-t-il aussitôt. Je veux juste que tu me parles !

— N'as-tu pas peur de moi ?! m'étranglé-je sans croire qu'il puisse être si indifférent.

De quel bois es-tu fait ?!

— Je t'en prie. Je suis bien placé pour savoir que notre monde est peuplé de phénomènes aussi étranges qu'inexpliqués. Même si je n'y ai jamais été confronté directement, j'ai lu des dossiers, entendu des histoires...

Je devrais être soulagée, n'est-ce pas ? Pourtant, l'arôme de l'imposture flotte toujours. Peut-être vous dites-vous qu'après tout, j'ai menti aussi. Néanmoins j'ai des difficultés à mettre nos comportements sur un pied d'égalité, surtout que...

— Je sais quelle est ta crainte, me devance-t-il. Sauf que mon travail ne définit pas toute la personne que je suis.

L'estomac noué, je me recule à nouveau.

— Tu m'as menti et piégée, Evan, je ne sais plus ce que je dois penser.

Qui me dit que tu n'es pas en train de tisser ta toile maintenant pour m'amener dans un laboratoire de mon plein gré ?

— Tu peux me croire, si j'avais voulu te mettre en cage je l'aurais fait depuis longtemps.

Certes.

Ça ressemble à ce que le méchant de l'histoire dirait, Taylor.

Aussi.

Au bout du compte, je m'avance jusqu'à ce que nos corps se rencontrent, posant impulsivement mes lèvres sur les siennes. Néanmoins, avant qu'il n'ait le temps de répondre à ce baiser – car il s'apprête clairement à le faire – je le repousse du bout de mes doigts, m'éloignant sans un regard pour aller rejoindre ma porte d'entrée.

— Je veux que tu partes. Si je suis encore en liberté à la fin de la semaine, j'envisagerai de te croire.

***

L'autre côté de la porteWhere stories live. Discover now