Chapitre 3

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Aujourd'hui, comme à peu près toutes les semaines depuis son incarcération, Kageyama Tobio était convoqué auprès de l'équipe psychiatrique de la prison.

Il était loin d'être fou et n'avait pas de tendances psychopathes, mais ses antécédents d'assassin lui avaient valu d'être reconnu comme étant psychologiquement instable, et il devait désormais passer des tests réguliers censés déterminer si une réduction de peine était envisageable. Pour un meurtrier, ce genre de procédure n'avait jamais lieu, mais il fallait dire que le comportement du ténébreux était pour le moins... Étrange.

Depuis son arrivée, le jeune homme avait toujours fait preuve d'une indifférence et d'une passivité hors du commun. C'était assez inhabituel de voir un garçon comme lui être jeté dans une cellule, et si il n'avait pas été prouvé qu'il avait bel et bien poignardé un type trois fois plus vieux que lui à l'âge où l'on est censé batifoler au lycée, personne n'aurait cru que sa présence ici n'était pas une erreur.

Il faut dire que, malgré son aura diabolique et les regards assassins qu'il lançait à tout va, Kageyama n'avait jamais causé le moindre problème ni commis le moindre faux-pas. Il n'avait jamais insulté, harcelé, frappé ou blessé quelqu'un, et c'était à peine s'il avait déjà ouvert la bouche pour dire autre chose que des mots basiques tels que « bonjour » ou « merci ». Il se tenait le plus souvent à l'écart en regardant avec animosité ceux qui se risquaient à l'aborder, et son visage affichait toujours la même expression morne et impartiale. On pourrait croire à de la simple antipathie, mais ce qui se cachait derrière cette personnalité glaciale et tranchante à souhait était en fait beaucoup plus compliqué que les gens ne voulaient bien le croire.

En réalité, Kageyama était vide de l'intérieur.

Lui-même ne saurait expliquer pourquoi, mais cela se voyait rien qu'à la profondeur de ses yeux. Ses pupilles étaient semblables à des trous noirs, comme si elles aspiraient ses émotions pour ne laisser qu'un cœur stérile incapable d'éprouver quoi que ce soit. Personne ne se souciait de savoir quelle en était la cause, mais ça lui allait très bien comme ça. Il avait perdu toute notion de savoir-vivre depuis bien longtemps, et il ne supportait pas les hypocrites qui le jugeaient de loin sans même savoir quel était son prénom.

Il était encore sur le point de se perdre dans ses pensées quand le psychologue chargé de l'interrogatoire se mit à toussoter pour attirer son attention. Sur le bureau en bois massif face à lui se trouvait un document, lequel était d'ailleurs le même à chaque rendez-vous puisque c'était ce petit bout de papier qui retenait la liberté de Kageyama en otage.

« - Bonjour Tobio, commença le médecin, replaçant ses lunettes sur son nez d'un geste méticuleux.

- Bonjour. Trancha la voix sèche du prisonnier.

- J'imagine que vous savez pourquoi vous êtes là, donc pas la peine de gaspiller du temps en explications. Alors dites-moi, Monsieur Kageyama... Selon vous, êtes-vous réhabilité ?

- J'imagine, sinon je ne serais pas là, répliqua le jeune homme légèrement agacé.

- Qu'est-ce qui vous permet de l'affirmer ? Quelles preuves avez-vous que vous n'êtes plus une menace pour la société ? »

Voilà, c'était reparti. Une question toute simple, certes, mais qui était en fait l'une des plus sournoises que l'on ait jamais posées à Tobio. C'était cette même question qui le tenait derrière les barreaux, et il n'avait pas encore réussi à résoudre son énigme. Cela l'énervait tellement qu'il avait même fini par s'en lasser, et désormais il voyait même ça comme une plaisanterie dont il se délectait en prenant le psychologue pour le dernier des imbéciles.

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