Chapitre 12

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 Peu après onze heures, Martha était venue relater son histoire, notre histoire, après que je lui ai passé un appel bref pour lui indiquer où je me trouvais et les faits qui s'étaient déroulés la nuit dernière au manoir. Après que les officiers nous aient interrogé Olive, Moutarde, Pervenche, Beckie, Norma, Georges et moi, nous étions autorisés à quitter le poste de police. Ils nous avaient écoutés longuement. Un par un. Nous confrontons aux lettres. Nous demandons de restituer les faits chronologiquement et d'indiquer les raisons de notre présence chez Pennybags, encore et encore, malgré notre épuisement et les images d'horreur qui ne nous quittaient pas. Deux policiers m'avaient questionnée. D'abord ensemble et puis séparément. L'histoire de ma naissance et de mon abandon, ces choses que je venais d'apprendre

sur mes origines et qui les avaient ébranlés. Je pouvais lire une intermittence de surprise, de stupeur et de compassions dans leurs yeux. J'avais même noté les yeux rouges et gonflés de la femme policière. La plus jeune des deux. Surement quelques larmes qui menaçaient de couler et qui faisait foi de son humanité ou de sa récente prise de poste. Il lui était encore difficile de prendre de la distance. Georges et Norma n'avaient pas cherché à nier l'aide qu'ils avaient apportée à Minerva, enfin à Fey, le corbeau de Monopolys connu aussi sous le pseudonyme de Monsieur Morne. Pour autant, ils niaient avoir eu connaissance de son intention de tuer Pennybags. Leur participation se limitait à l'écriture et au dépôt des missives. Ils voulaient honorer la mémoire de Phyllis Pervenche, permettre à ses deux filles d'être enfin réunies. Cela et uniquement cela.

La police était restée dubitative, s'interrogeant notamment sur le fait que le couple soit resté au manoir pendant plus de vingt ans, après qu'Edouard Pennybags ait obligé sa femme a abandonner son bébé né d'une relation adultère, puis qu'il ait placée cette dernière en institution, où elle s'était jeté d'un toit pour abréger ses souffrances. Ils auraient pu retrouver du travail ailleurs, plutôt que de rester chez un patron aussi immoral. Le chef de la police avait préféré les placer en garde à vue. Olive et Moutarde avaient quitté le commissariat les premiers, autour de dix heures, après avoir fait leur déposition. Les agents chargés des interrogatoires avaient été unanimes, ces deux-là avaient été conviés à la soirée, essentiellement pour pouvoir diffuser aux forces de l'ordre et aux médias, tous les mauvais forfaits que Pennybags avait accomplis. Minerva comptait se servir d'eux, mais ils n'avaient rien à voir avec la mort de l'ancien Maire de la ville. De plus, on connaissait bien Moutarde ici. Il n'avait pas été le meilleur des flics, loin de là, mais ce n'était pas un meurtrier. Ils étaient sortis ensemble, en râlant après Minerva qui s'était bien joué deux et qui avait réduit leur importance, leurs capacités physiques ou intellectuelles, aux rôles mineurs de messagers, de taupes !

« Ces foutues lettres ! C'était juste pour nous apeurer et qu'on vienne à ce dîner. Une fois témoins de tout ce bordel, il nous aurait suffi de courir dans toute la ville, en hurlant comme deux poules mouillées tout ce qui s'était passé ! C'est tout ce qu'elle attendait de nous mon cher Olive ! Allez venez, je vous offre un café ! »

Après que nous ayons appris que Victor Violet avait succombé à ses blessures dans le camion de pompier qui le menait à l'hôpital, mais que Minerva dans un état très préoccupant, avait échappée à la mort pour tomber dans le coma, Beckie était repartie avec l'interdiction formelle de quitter la ville, pendant au moins quinze jours. Elle avait acquiescé et avait commandé un taxi pour rentrer chez elle. Prendre une douche, fumer un pétard et dormir. Il devait lui en rester un de la dernière soirée qu'elle avait passé avec ses copines. Ça leur faisait tourner la tête et rire comme des bécasses pendant des heures. Elle avait besoin de ça Beckie. Un peu d'euphorie pour pouvoir s'endormir. Pour oublier l'horreur de la nuit dernière. Ses copines avaient raison ! Travailler pour des gens riches c'est bien un temps, mais à la longue ça rend fou ! Elle allait réfléchir Beckie, peut-être reprendre les études ou suivre une formation pour adultes...En tous cas, elle ne travaillerait plus comme boniche pour des barjots qui passent l'arme à gauche alors qu'ils reçoivent des gens chez eux !

Une Soirée Lourde de ConséquencesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant