Chapitre 1

10 1 0
                                    


Dix-huit heures plus tôt en Californie...


Le seul avantage d'une nuit pour ainsi dire « blanche », c'est de partir suffisamment tôt pour éviter les bouchons qui parsèment les routes et autoroutes de LA, dès sept heures du matin. Il s'était écoulé un peu moins de trente minutes, entre le moment où j'étais entrée dans la grosse berline noire du chauffeur commandé par Pennybags et mon arrivée à LAX. Je me trouvais affreuse, les traits tirés jusqu'aux orteils et d'humeur massacrante, pourtant je devais encore faire de l'effet, parce que le conducteur m'avait envoyé non pas des signaux, mais plutôt des pancartes aux guirlandes clignotantes, qui m'indiquaient sans trop de subtilité : « Vous êtes mon type de femme et j'aimerais vous mettre dans mon lit ! »

— Votre amoureux devrait se lever pour vous conduire à l'aéroport M'dam... Regardez à droite, c'est ici que je fais de la musculation, quatre fois par semaine ! J'crois que j'vous ai déjà vue à la télévision, z'êtes mannequin ?

Au bout de cinq minutes de son monologue, je fis semblant de m'endormir. Je n'avais même plus le courage de lui répondre par un « Umm », on ne peut plus impersonnel et dénoué de toute émotion à l'exception de l'ennui, comme je venais de le faire par trois fois déjà. La tête enfuie dans le châle Burberry que Luca m'avait offert, je humais son odeur, les notes fortes de Déclaration, de la maison Cartier. Il fallait que je l'oublie au plus vite, en commençant par me débarrasser de cette étoffe qui me le rappelait à chaque fois que je la humais.

Un simple mot, ou plutôt sept minables petits mots sur une feuille arrachée à son agenda, à la page du six août précisément : « Je ne peux pas, je suis désolé ». Monsieur était en avance, nous n'étions que le vingt-et-un juin. C'est ainsi qu'il clôturait notre histoire. Un point final au stylo à plume, une note abandonnée sur ma table de cuisine et ce le premier jour de l'été...Quel homme courageux...Rectification, quel sans couille !

Je commençais à me refaire le film de mon réveil et notamment du moment où, le cherchant aux quatre coins de mon appartement, j'étais tombé sur cet affreux mot ! Je commençais à voir rouge et nombre de sobriquets me passaient par la tête, mais nous arrivions à mon terminal, ce qui me tira de mes pensées obscures à son encontre.

— Moi c'est Drake, mon numéro de téléphone est sur l'application. N'hésite pas ma belle, si tu t'ennuies un de ces soirs... Il prit ma main pour m'aider à descendre de la voiture et y déposa un baiser langoureux, laissant un peu de salive sur ma peau, éprouvée par ses poils de moustache très drus.

Je ne pus cacher mon dégout et lui arracha ma main d'un coup sec, en grimaçant comme si je venais de marcher sur une grotte de chien, un jour de canicule et en sandales. Ma réaction vint instantanément déposer des trombes d'eau glacée dans son pantalon, qui firent chuter drastiquement la température dans son slip. Ramené à la réalité et peu fier de son geste, il rentra la tête dans ses épaules de tortue Ninja et sortit ma valise du coffre en me souhaitant timidement un bon voyage.

— Bbbb bon séjour Mademoiselle...

Je n'avais pas la force de lui botter le cul, mais pourtant j'en avais bien envie. Comment avait-il pu penser, ne serait-ce qu'une minute, que j'étais réceptive à ses avances ? Lui avais-je laissé entrevoir une possibilité ? Non ! Le hashtag #Metoo, ne lui évoquait donc rien ? Certaines femmes auraient trouvé cela flatteur, après tout il était bien fait de sa personne, grand, carré, brun...Deux ans en arrière, je me le serais surement envoyé à l'arrière de sa voiture...Surement, tu parles ! Je me le serais fait et puis je l'aurais jeté comme une épluchure, afin de me « nourrir » de lui, afin de combler pour quelques minutes ce trou béant à l'intérieur de moi, que ma carrière florissante n'arrivait pas encore à combler ». Dixit Rita Jones, la plus célèbre psychologue de la vallée que je consultais depuis seize mois. C'est mon amie et maquilleuse Phoebe qui me l'avait recommandée : « On dit qu'elle est géniale ! Elle s'est chargée du cas Britney Spears pendant sa crise de folie ! Crois-moi, y avait du boulot ! Toi à côté, t'es une petite joueuse et elle va t'remettre le moral au zénith en moins de temps qu'il faut pour le dire ! ». Effectivement l'aide de Rita Jones m'avait été, onéreuse, mais précieuse ! Jusqu'à la semaine dernière, je n'avais jamais vraiment réussi à être totalement transparente avec elle. J'avais toujours gardé le contrôle sur ce que je lui racontais durant nos séances et elle me l'avait fait remarquer à deux ou trois reprises... jusqu'à obtenir de moi que je finisse par craquer, sous le poids de ses paroles bienveillantes et des mauvais souvenirs d'un père abusif, d'un oncle pédophile, d'une mère qui était le témoin passif de mes maltraitances. Rajoutez à cela un passage à la case Escort girl et la digue finit par s'effondrer à grands coups de Rita Jones !

Une Soirée Lourde de ConséquencesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant