11 | Talents d'actrice

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Bon sang ! Je suis censée éviter de craquer pour toi !

J'ignorais que nous étions assez proches pour nous offrir des présents lors des fêtes de fin d'année, rétorqué-je sèchement, retournant derrière mon bureau en tentant de masquer mon trouble.

Il se saisit nonchalamment d'un siège sur laquelle il s'installe, laissant ses coudes rejoindre la table sans me lâcher des yeux.

— Tu as bien conscience que nous allons passer beaucoup de temps ensemble pendant les prochaines semaines ? souligne-t-il dans un sourire malicieux.

Hé-las oui !

Tout à fait. Et alors ?

Je feins l'indifférence, attrapant ma règle à échelle pour reprendre mon travail là où je l'avais arrêté afin de chercher ce stupide stylo.

— Et alors nous verrons bien, conclut-il, s'enfonçant dans le dossier du fauteuil.

— Hum hum, confirmé-je, faussement concentrée à tracer un trait.

J'en appelle encore au saint-je-ne-sais-quoi pour m'en sortir !

Je dois dire qu'il y a sûrement un truc un peu surnaturel dans cette histoire, car pile à l'instant où je psalmodie mes ridicules incantations, les portes de l'ascenseur s'ouvrent à nouveau sur un Wyatt équipé d'un splendide sourire et de deux sacs de nourriture à emporter.

Le voilà mon héros !

C'est l'heure du ravitaillement, bébé !

Tu as ma reconnaissance éternelle !

Oh, salut Evan ! s'étonne-t-il, lui tendant la main. Que fais-tu là ?

Le concerné se lève pour lui serrer – la mâchoire légèrement contractée – tandis que je suis partagée entre culpabilité et intense jubilation.

— Je suis venue rapporter à Taylor des affaires qu'elle a oublié au bar.

Inutile de vous faire la conversation !

Effectivement, ce ne serait mauvais pour toi que certains sujets soient abordés !

Précisément !

— Qu'as-tu pris ? coqueté-je à l'attention de mon collègue.

Il s'approche, me tendant un sachet en papier kraft et moi, grâce à l'odeur – ainsi que mes talents d'actrice – je m'extasie.

— Chinois ! Tu me connais trop bien !

Oui. J'en fais beaucoup trop, je sais. Néanmoins la fin justifie les moyens, paraît-il.

— Veux-tu manger avec nous ? propose-t-il à celui que je veux – plus ou moins – voir partir. Je pense qu'il y en a assez pour trois.

Non ! Tu es mon héros, j'ai dit ! Alors ne gâche rien ! Je refuse qu'il propose de me raccompagner encore ce soir !

Affichant une fausse décontraction tandis que le séduisant – dangereux – agent fédéral semble peser le pour et le contre, je dégage un coin de mon bureau afin de poser mon dîner, puis m'avance pour desserrer la cravate de Wyatt dans une moue aguicheuse dont il a l'habitude.

Heureusement Taylor ! Sinon bonjour l'accusation de harcèlement sexuel !

Mouep.

— Nous avons du travail je te rappelle, souligné-je en me hissant sur la pointe des pieds pour l'embrasser sur la joue en guise de remerciement.

— C'est vrai toutefois...

— Je dois y aller de toute façon, le coupe Evan d'une voix se voulant neutre mais ne me paraissant guère l'être. Je vous laisse finir tranquillement.

Que crois-tu que nous allons faire, au juste ?

Que veux-tu qu'il croit, Taylor ?

Qu'il y a une limite infranchissable entre nous.

Une autre fois alors, suggère l'architecte blond en haussant les épaules.

N'y compte pas !

Quelle bonne idée, approuvé-je, laissant mes doigts jouer sur la chemise de mon collègue avant de m'éloigner pour m'assoir à mon bureau.

Evan suit chacun de mes mouvements, hochant brièvement le menton en se détournant.

— Faisons donc ça, lâche-t-il quelque peu abruptement. Je vous souhaite une bonne soirée.

— À toi aussi, sifflé-je avec une pointe d'agacement.

Pourquoi, Taylor ?

Est-ce important ?

Un peu, oui. Puisque tu devrais juste être ravie de le voir s'en aller ! Je pense que ta frontière imaginaire est bien posée.

Je le suis ! Enchantée ! Ça ne se voit pas peut-être ?!

Pas vraiment, non.

Oh, c'est bon ! Il ne se doute de rien à mon sujet ! Comment le pourrait-il ?! Je suis juste une amie de son cousin, la témoin de la fiancée, non une suspecte à surveiller !

Toi qui est la première à scruter la conception de tous les bâtiments où tu poses un pied, tu vas me faire croire que la déformation professionnelle ne te parle nullement ?

Si. Mais là, quand même... ton argument est un peu absurde. Pardon de me vanter, cependant je suis hyper prudente !

C'est vrai. Alors applique-toi à éviter de perdre tes moyens quand il est là.

Ça tombe sous le sens, merci pour ce rappel inutile !

C'est ce qu'on verra.

Que j'ai raison ? Effectivement !

Lorsqu'il s'éloigne, je ne peux m'empêcher de lever la tête pour l'observer à mon tour, l'esprit et le cœur – ou autre chose dont je ne parlerai aucunement ici – en conflit. Perdue dans mes pensées en parcourant les contours de sa silhouette, je me retrouve à rencontrer ses yeux lorsque la porte de l'ascenseur se referme sur lui. Ses lèvres esquissant un léger sourire emballant mon pouls, je me fige telle l'idiote que je suis depuis la première fois que je l'ai vu.

Tout est sous contrôle, c'est vraiment flagrant Taylor !

Oh c'est bon ta gueule ! Peu importe combien je craque, je peux m'accrocher à Wyatt de toute façon !

Pourvu que ça dure !

***

L'autre côté de la porteWhere stories live. Discover now