Ces autres auxquels il ne s'identifiait plus, n'avaient jamais réussi à le comprendre, voir, ressentir ce que lui ressentait en permanence : une culpabilité cuisante de s'imposer aux levé du soleil comme à la tombée de la lune, de ruiner l'existence de ce qui l'entourait par une simple inspiration, volant l'oxygène de ces si précieux êtres. à tous ces autres qu'il aimait dans le mépris, qu'il idolâtrait dans le silence de sa déplaisance, seigneur, qu'il voulait être comme eux. Un simple humain à l'existence banale, pourvu d'un train de vie banale aux couleurs banales. Un simple humain sans prise de tête avec pour seule arme l'amour qu'il a à offrir envers ses congénères. Stupide et bien trop candide, il savait que c'était impossible.
Seule la douleur le fera grandir, mûrir, seules les années pourront témoigner de sa différence, de la cruauté du monde sur sa personne. Il grandira physiquement, mais il demeurera éternel prisonnier de son conscient.
La violence de ses pieds faiblissait, les muscles de ses jambes lui hurlèrent de se calmer. Sa force physique entretenue avec assiduité l'avait porté bien loin de ses tourments et c'est finalement assouvi par les limites de son endurance que l'enfant se stoppa brutalement, manquant de glisser sous cette épaisse couche immaculée. L'adrénaline ne suffisait plus à beaumer les multiples douleurs parcourant son corps, c'était un calvaire pour lui de devoir inspirer, oxygéner à nouveau ce corps  à la limite de l'ébullition. Il n'avait aucune maîtrise des gémissements, provoqués par l'air fusant dans sa gorge serrée, les spasmes abdominaux surgissant telle une nuisance de plus. La salive s'extrayant de sa cavité buccale en un long filet démesuré de flot. Toute cette pression accumulée débordait, mais à l'abri des regards indiscrets, il ne ferait jamais ce plaisir à son père de le voir aussi minable qu'il le décrivait si bien.  Il mourrait dans l'acharnement de vivre, ressuscitait à chaque écroulement par les soins de ses démons qui eux n'avaient qu'une distraction : le voir se perdre entre les limites du vivant et du mort.

Martyre de tout passants croisant sa route, le mur le plus proche avait accueilli le poids d'Eren dans le claquement de son dos contre la pierre vieillit de toutes ses années de non entretien. S'être enfui de chez lui était une bénédiction, mais à présent qu'allait-il faire ? Une nuit sombre et pleine de terreur faisait rage et il n'était pas anodin d'y trouver un enfant errant contre un mur, sous un arbre neutralisé par une cage n'ayant pas grand sens d'intérêt.

les sons et les parfums tournaient dans l'air glacée du soir, l'élévation d'une senteur putride, non méconnue par l'odorat du garçon avait orienté son intention vers cette valse amer pour y découvrir sous une forte lumière jaillissant d'un lampadaire  cette silhouette camouflée par l'assombrissement d'un habit. La nature avait gardé au corps de ce personnage, une place d'ombre, afin de lui simuler, au moins là, une apparence de mystère. C'était comme s'il ne prenait pas cette lumière l'assaillant de toute part. Il restait de marbre, opaque.

L'œil qui se plissait, un déglutissement naissant à la vue de l'inconnu, Eren ne pouvait dévier le regard de la carrure présente sur le trottoir d'en face. Il espérait demeurer camouflé de la nuit, de façon à ne pas attirer son attention. Là où le petit se trouvait, il n'y regorgeait que ténèbre et brouillard, l'endroit absolu pour admirer avec curiosité ceux exposés sur la scène. Ses pupilles dilatées suivaient d'une attention particulière chaque mouvement du rôle de l'unique acteur. Ses doigts d'apparence longues, coinçant une cigarette, l'emprisonnant d'un sort tragique mais adoucit par les caresses de ses pulpes contre son corps blanc, avant d'être amené gentiment contre des lèvres qui elles n'attendèrent pas une seule seconde pour consummer ce silencieux poison.  Eren se laissait imaginer l'intensité de l'inspiration, le soulagement de l'expiration, la façon dont ses paupières pourraient préserver ses yeux d'une fatigue émergente par le froid et l'effort de rester immobile. Il aimait tant le mystère qu'un simple demi-aperçu pouvait laisser à son imagination la possibilité d'en deviner davantage, et de l'apprécier même plus que la réalité.

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⏰ Last updated: Jul 17, 2021 ⏰

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La sénescence de l'âme - Eren x LivaiWhere stories live. Discover now