Puis vient le problème de l'intérêt que porte le Reliquaire à votre égard. Il faut savoir qu'il s'agit d'un homme très puissant et respecté malgré ses actions. Nombreux sont ses adeptes, et ce sont tous sans exceptions des gens bien. Car la vision du Reliquaire n'est guère différente dans notre contexte que celle d'un radical face à un système conservateur. Un changement radical du pouvoir en place, etc... Sauf que la seule arme du Reliquaire face à nous est la Sorcellerie noire. C'est d'ailleurs la seule et unique raison pour laquelle il est recherché comme criminel et non pas considéré comme un politicien aux tendances radicales. Vous saisissez?"

Mara hocha vaguement la tête. Toutes ces questions, elle se les était déjà posées. Elle les avait retournées dans tous les sens et n'avait pas trouvé de solution.

- Donc, il n'avait avant que cette arme. Mais maintenant que vous êtes là, ça change la donne. Celui qui vous aura dans son camp n'aura aucun souci à se faire: votre Potentia, une fois entraîné, pourrait, selon nos prévisions, dépasser celui de tous les Sortceliers jamais recensés. Or, donc, il suffit de vous convaincre pour gagner la guerre.

- Minute! s'écria Mara. Vous n'avez aucune preuve que mon Potentia soit à ce point puissant. Que je suis cette "arme" dont vous parlez.

Islamber détourna enfin son regard de Mara pour le planter dans celui de son collègue. Ils se consultèrent du regard et Mara attendit avec appréhension leur réaction.

- Très bien, Mademoiselle Mackenzie. Que diriez-vous d'être fixés une bonne fois pour toute? Il suffit d'un test.

- Non, répondit immédiatement et catégoriquement Mara. Elle savait qu'elle n'était pas de taille et qu'ainsi la vérité serait établie.

Un bref silence s'ensuivit.

- Très bien, articula Islamber. Nous allons donc appeler cette personne... Disons Mademoiselle? Bon, continuons.

" Si nous arrivons à convaincre Mademoiselle, alors la menace que représente le Reliquaire sera éliminée. Nous n'userons de la violence qu'en dernier recours, évidemment, mais nous n'hésiterons pas. Les familles déchirées seront enfin vengées et le Monde Sortcelier pourra enfin reprendre son train de vie quotidien. En revanche, si c'est le Reliquaire qui convainc Mademoiselle, alors il lui demandera de joindre sa cause, d'utiliser la Sorcellerie noire probablement, de tuer des dizaines de gens pour accéder au pouvoir et à la révolution qu'il désire."

- Mais cette révolution, quelle est-elle exactement? Je ne sais rien de ses désirs, personnellement... Alors, si Mademoiselle veut pouvoir choisir entre les deux, il faudra bien qu'elle soit informée, non? Informée objectivement?

Cette remarque parut ne pas plaire à Islamber qui la quitta enfin du regard et s'enfonça dans son fauteuil. Il porta la main à son visage et caressa d'un air pensif sa barbe imaginaire. Peut-être avait-il dû la raser pour son travail, pensa Mara. Elle le regarda. Il était assez séduisant, et s'il n'avait pas été un délégué de la CS, elle l'aurait sûrement dévoré du regard. Mais pas dans les circonstances actuelles. Elle porta son attention sur son collègue, qui soupirait. Il semblait s'ennuyer à mourir.

- C'est pourtant simple, il suffit de demander au Reliquaire d'envoyer un émissaire pour parlementer, proposa John.

- Il n'acceptera jamais. Il se dirait que c'est un piège, contre Islamber.

- Alors, on en envoie un.

- Je ne pense pas qu'il soit digne de confiance.

- On ne va pas aller loin si tu n'es pas plus ouvert, grogna-t-il.

Mara sourit. Pas Islamber. Il continua à réfléchir.

- Très bien, dit-il, je vais demander à mon supérieur quoi faire à ton propos. Nous ne sommes pas dupes, mais nous ne pouvons pas te forcer à te dévoiler, même si ça nous permettrait de mettre en sécurité la communauté des Sortceliers, et peut-être même les humains... Les victimes collatérale ne sont pas rares...

Mara le regarda. Il parlait de ses parents. D'Amélie et Fred Mackenzie, deux êtres qu'elle n'avait jamais autant aimé que maintenant qu'elle se rendait compte de ce qu'ils avaient fait, sans le savoir, pour elle. Peut-être n'aurait-elle pas pu profiter de ces seize années de bonheur sans eux.

Mara se leva, les salua et s'en alla, raide comme un piquet. Quand elle sortit, elle remarqua que beaucoup attendaient dans le hall, l'air de rien, comme s'ils s'attendaient à quelque chose d'incroyable. A ce qu'elle soit découverte. Leur curiosité satisfaite - bien qu'ils fussent déçus- ils s'en allèrent rapidement, de peur de croiser Mara sans doute. En effet, celle-ci leur en voulait pour lui avoir ainsi fait perdre son temps.

Quoique... se dit-elle. Après tout, elle en avait appris pas mal, notamment sur les capacités de la CS à dénicher des informations ou encore sur ce qu'eux-mêmes savait d'elle. Apparemment, pas grand-chose, se dit-elle. Et, chose agréable, ils n'avaient pas mis en doute une seule fois Peter Black. En effet, Mara en avait un peu assez de devoir à chaque fois leur répéter qu'il était innocent. Mais maintenant que son procès avait eu lieu, ils devaient prendre ça comme un acquis, même si ça ne leur plaisir pas, se dit Mara.

Soudain, elle entendit des pas précipités derrière elle. Elle se retourna, curieuse de voir qui arrivait ainsi vers elle. Ses cheveux volèrent autour d'elle et soudain elle sentit qu'elle n'aurait jamais, jamais dû se poser une telle question. Ce qu'elle voyait arriver vers elle était d'une telle horreur qu'elle n'arrivait même pas à comprendre ce que c'était. C'était bien pire encore que de voir le Reliquaire, car elle avait devant elle un meurtrier. Un meurtrier qui, elle le savait, était coupable de son crime, car elle l'avait vu à l'œuvre et elle ne pouvait pas se tromper. Et même s'il lui était arrivé de se blâmer de la mort de Spencer, c'était bel et bien de la main de Larry qu'elle était morte.

Or celui-ci courait droit sur lui. Soudain, sa tête lui sembla prise dans un étau tel qu'elle ne ressentait plus rien à part la douleur qui l'enserrait. Elle n'eut pas conscience de son corps ou même de Larry tant la douleur était forte. Or ce ne pouvait être l'œuvre de Larry, celui-ci n'ayant aucun pouvoir, aucun Potentia. En même temps que la douleur vinrent les images.

Elle voyait Larry parler avec le Reliquaire. Mais elle sentait avant tout une affection sans borne, avec un léger brin de mélancolie. Cependant, elle ne vit pas clairement l'homme à qui elle parlait.

Puis, elle vit une femme. Cette image-ci était trouble et déformée, comme un rêve dont on essaie de se souvenir au matin. Elle était rousse en Mara eut l'impression de l'avoir déjà vue quelque part, mais elle ne parvint pas à remonter jusqu'à ses propres souvenirs.

L'image suivant était violente.

On y voyait un enfant recroquevillé sous une table, se tortillant les doigts, regardant deux adultes se disputer. Les voix étaient étouffées et semblaient être arrivées à un compromis mais soudain un cri de bébé empli tout le reste et il ne resta de cette scène que le vert profond du Potentia de l'homme, celui, vert très clair, de la mère et les cris du bébé. La scène prit une tournée très mélancolique quand les larmes se mirent à couler sur les joues de l'enfant qui cachait son visage derrière ses mains qu'il avait cessé de tortiller.

Il leva les yeux et Mara reconnut Larry. Elle était en lui.

Soudain, elle fut arrachée de ses souvenirs avec force et elle ouvrit les yeux, mais il n'y avait que noirceur autour d'elle.

PotentiaWhere stories live. Discover now