Chapitre 3

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Daphné eut peur d'ouvrir les yeux ce matin-là, et de se rendre compte qu'elle était toujours dans sa cellule. Peur d'affronter la réalité après avoir vécu un rêve si doux. Après tout, pourquoi aurait-elle été sauvée, elle, la petite fleuriste d'un village perdu entre montagne et forêt ? Et à bien y réfléchir, le fait que quelqu'un puisse vouloir l'aide d'un mage lui paraissait insensé. Tous les mages déclarés devaient être exécutés, c'était la loi. Pourquoi ferait-elle exception ?

Finalement, la solitude l'avait rendue folle et lui faisait imaginer des choses et la folie, elle, les rendait réelles. Mais elle ne devait pas se faire de faux espoirs. Elle finirait brûlée sur la place publique et se cendres, contenant sa magie, seraient dispersées dans les champs pour le fertiliser. C'était là son rôle : faire en sorte que les récoltes du village soient les meilleures du pays.

Mais, à son réveil, elle était bien dans cette tente qu'elle partageait avec Dunlá. Elle soupira, un fin sourire sur les lèvres. Malgré tout, elle était heureuse d'être ici car au fond d'elle, elle souhaitait tout sauf retourner dans cette prison. Elle passa nerveusement une main dans ses cheveux.

Elle devait se reprendre, ne plus se morfondre. Elle n'était plus la pauvre mademoiselle Daphné, tenant la boutique de ses regrettés parents. Elle était Daphné, mage et membre du Harem du duc d'Avisir. Elle ne devait pas faire honte à son Seigneur, il avait besoin d'elle et elle lui devait la vie, ne pas l'embarrasser était la moindre des choses.

Elle se mit sur ses deux pieds, elle avait assez traîné comme ça, et s'habilla à toute vitesse, du moins elle aurait été plus rapide si elle n'avait pas eu à se battre avec le corset. Elle ramassa ensuite sa paillasse et le peu d'affaires qu'elle possédait, puisqu'elle avait remarqué que Dunlá l'avait fait, puis sortit enfin.

Dehors, les soldats s'affairaient à ramasser le campement. Plus loin, la tente du seigneur d'Avisir était en train d'être démonté. Daphné remarqua que Dunlá était en pleine conversation avec le duc et ne pouvait donc pas aller la voir. Seule, elle ne savait quoi faire. Elle avait peur de gêner les soldats à rester plantée là mais elle n'avait pas la moindre idée de ce qu'elle pouvait faire pour apporter son aide ni même où aller pour ne pas devenir une gêne.

« Dame Daphné ! »

Elle se retourna vivement et son regard buta sur un soldat, Cale, qui s'avançait vers elle, suivit d'un cheval dont il tenait les rênes.

« Dame Daphné, répéta-t-il, vous avez bien dormi ? Dunlá n'a pas trop ronflé ? »

La mage se mit à rire doucement, d'un rire cristallin qui lui était caractéristique.

« Oui, très bien, je vous remercie.

–Regardez ce que je vous amène ! Continua-t-il fièrement en se tournant vers la monture. Comme promis, une monture pour la plus jolie fleur du bouquet du Seigneur ! »

Daphné se mit à rougir tout en s'approchant de l'animal. Il s'agissait d'une magnifique jument isabelle, avec une petite tache blanche sur le museau. Elle posa une main sur l'encolure de la bête et la caressa doucement tout en l'admirant, des étoiles plein les yeux. Le hongre bai que possédait son père et qu'il ne sortait que lorsqu'il devait aller en ville était beaucoup moins gracieux et majestueux, c'était la première fois que la jeune femme voyait un cheval aussi splendide.

« Elle a dû couter une fortune ! S'exclama-t-elle.

–Ne vous inquiétez pas pour ça, répondit le chevalier, c'est le Seigneur qui paie ! Toutes les concubines ont eu le droit à une jolie monture à leur arrivée, mais je dois avouer que celle-ci est assez unique dans son genre. Dès que je l'ai vue j'ai pensé à vous Dame Daphné, gracieuse et délicate. Mais son ancien propriétaire m'a dit qu'elle avait de grandes capacités, même si ça ne se voit pas, exactement comme vous ! C'était peut-être le destin, qui sait ? »

Comme un pétale de roseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant