Chapitre XII

10 3 1
                                    

               
                   
                   PDV BECA


    
            Cette matinée n'était pas la plus belle et la plus reposante que j'ai passée au cours de mon existence mais elle n'était pas à pleindre non plus. Elle n'était pas aussi fatiguante que les précédentes, celles passées à l'hôpital étaient bien pire que fatiguante. Travailler dans un corps médical est quelque chose de très éprouvante. Outre les nombreuses heures et la fatigue, on se réveillait sans savoir si l'on allait sauver une vie, si les patients qu'on avait soignés la veille avaient passé la nuit ou si l'on devrait annoncer un décès. On n'enfilait notre blouse sans penser à ce qui nous attendait. Tout simplement parce qu'on ne le savait pas. On ne savait rien, on ne programmait rien. On prennait ce qui nous tombait sur les bras et on faisait notre possible pour sauver un maximum de gens.

            C'est difficile, mais c'est ce que j'avais toujours voulu faire. J'avais pris des risques en choisissant ce métier, mais je ne le regrettais pas. Travailler dans cet hôpital me rendait heureuse, je me suis toujours sentie à ma place. J'aimais être utile, je me battais pour chacun de mes patients, je les rassurais, réconfortais leurs proches quand ils n'avaient personne et faisais tout mon possible pour mener à bien chaque mission. J'aimais mon métier et je ne l'échangerais pour rien au monde.

      Aujourd'hui, je n'avais pas une troupe de patients à consulter, des personnes à réconforter, des nouvelles affreuses à annoncer. Je me suis occupée de M. Alexandre, toute la journée, il n'était pas si pénible que ça. Il était tout à fait charmant, j'ai eu de la chance à vrai dire. J'ai eu un accueil chaleureux, un sourire charmeur et des compliments flatteurs quand je lui avais apporté ses médicaments et son dêjeuner. On n'a passé un bon nombre de temps à bavarder, à rigoler comme de bon vieux amis. M. Alexandre est un vrai comique quand il le veut, il m'a bien fait rire avec ses nombreuses anecdotes les unes plus hilarantes que les autres. Il m'a raconté ses diverses prouesses, ses exploits dans le monde du travail. C'est un brave homme, courageux, extraverti, rigoureux et plein de fougue. Tout au long de son récit, je ne l'ai pas quitté des yeux, ses pupilles reflétaient tous ces émotions «la joie, la fièrté, la plénitude, l'euphorie» Il y avait malgré tout ce sentiment d'amertume qu'il essayait à tout prix de cacher avec un sourire forcé, qui ne ressemblait sous aucune forme  aux sourires pleins de vie qu'il avait l'habitude de m'accorder depuis que nous nous sommes connus. Son travail le manquait, il avait sans doute marre de rester cloîtrer dans cette immense maison. Avoir toujours besoin d'une canne ou d'une personne pour se déplacer, ne pas sortir comme il avait l'habitude de faire quand il n'avait pas encore eu cet AVC. Je peux totalement le comprendre, moi aussi je me sentirais nostalgique si je ne pouvais plus aller faire ce que j'aime, si je ne pouvais plus exercer mon métier; ma passion, sortir quand bon me semble, aller faire la fête avec ma meilleure amie. Rester confiner jour et nuit chez moi, cette idée ne me plairait guère. Rien que d'y penser j'ai déjà la poisse, je ne pourrais pas supporter cette mode de vie. Je compatis à son sort, personne n'aurait voulu passer par là. Il ne faut pas non plus être ingrat, car il y a bien des gens qui aurait voulu vivre même une tierce de l'existence de M. Alexandre mais n'ont pas pu ou ne pouvaient pas. À chaque fois que nous avons la possibilité, l'opportunité d'accomplir une chose d'extraordinaire, de marcher, de courir et sentir l'adrénaline se propager dans tout notre corps, de rire, de voyager et faire le tour du monde, de parler, d'écouter, de lire, de voir la beauté de la nature, de toucher, de vivre et d'être heureux. Pensons à tous ceux qui n'ont pas eu ou qui n'ont tout simplement pas la chance de jouir de ces choses essentielles voir même primordiales. Nous devons être reconnaissant pour tous ces privilèges et faire en sorte d'aider ceux qui n'ont pas été gâtés par la nature. C'est pour toutes ces raisons que j'avais choisi ce métier, il me permettait d'être utile mais par dessus-tout d'apporter mon aide à ceux qui ont réelement besoin.

Seulement ToiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant